22 avril 2021 - 07:00
Exceldor à Saint-Hyacinthe
Un dernier tour de piste devant la CPTAQ
Par: Rémi Léonard
Aperçu de la future usine que souhaite bâtir Exceldor sur l’avenue Pinard à Saint-Hyacinthe… si la CPTAQ donne son feu vert au projet, bien entendu.

Photothèque | Le Courrier ©

Aperçu de la future usine que souhaite bâtir Exceldor sur l’avenue Pinard à Saint-Hyacinthe… si la CPTAQ donne son feu vert au projet, bien entendu. Photothèque | Le Courrier ©

À leur dernière audience devant la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), ce mardi, les intervenants régionaux et ceux d’Exceldor ont étalé tous leurs arguments pour tenter de convaincre les commissaires de rendre un verdict favorable.

L’essentiel de leur argumentaire avait déjà été présenté lors des étapes précédentes, mais la Ville de Saint-Hyacinthe a aussi pris de nouveaux engagements devant la CPTAQ afin de démontrer sa réelle volonté de protéger le territoire agricole, et ce, malgré la demande actuelle d’en exclure 23,64 hectares. Dans un but avoué de « rassurer » la Commission, le directeur général de la Ville, Louis Bilodeau, a ainsi promis de faire de l’avenue Pinard la limite du parc industriel Olivier-Chalifoux, garantissant qu’il n’y aurait pas de nouvelle phase de développement plus à l’ouest. La CPTAQ s’inquiétait précédemment de franchir la frontière naturelle entre le territoire agricole et le périmètre urbain formée par le ruisseau Plein-Champ.

Étant donné que seuls 14 hectares serviront aux besoins d’Exceldor, la Ville s’est également dite disposée à faire en sorte que les futures industries qui s’établiront dans le reste de la zone soient des « entreprises agroalimentaires et rien d’autre », a indiqué M. Bilodeau.

La demanderesse dans ce dossier est la MRC des Maskoutains. Dans une brève intervention, la préfet Francine Morin a ainsi fait valoir toute l’importance de ce projet pour le développement économique de la région. Après tout, la MRC se targue d’être le « pôle de développement agricole et agroalimentaire par excellence au Québec » et Saint-Hyacinthe en est la ville-centre. « Les conséquences d’un refus seraient catastrophiques pour la MRC », a-t-elle commenté.

Où commence et où finit l’agriculture?

Pour Saint-Hyacinthe également, un tel projet cadre parfaitement « dans notre créneau distinctif », a évoqué M. Bilodeau. « Ça tombe sous le sens », a-t-il exprimé en parlant du projet Exceldor, faisant observer que « la transformation agroalimentaire et l’agriculture sont interreliées ».

Dans un discours particulièrement senti, le maire de Saint-Hyacinthe, Claude Corbeil, a été plus loin en faisant valoir son attachement personnel à la préservation des terres agricoles, étant lui-même un producteur. Or, si chaque éleveur installait son propre abattoir sur sa terre, la superficie occupée au total serait beaucoup plus grande, a-t-il argumenté. De ce point de vue, le projet d’Exceldor ne vise qu’à condenser cette activité sur un seul site. « Ça me shake pas à peu près de devoir vous convaincre que c’est la seule solution », a réagi le maire Corbeil. Comme bien des intervenants, il a mis en évidence toutes les implications de la décision à venir, qui sera assurément décisive. « Je ne peux pas m’imaginer un refus dans ce dossier-là. Je vous demande humblement d’y penser comme il faut », a-t-il conclu en s’adressant aux commissaires Hélène Lupien et Élaine Gringon. Son argumentaire a été développé plus tard par Me Antoine Aylwin, qui a soulevé la notion d’activité « para-agricole », une particularité déjà invoquée dans d’autres dossiers reçus par la CPTAQ.

Rien d’autre que l’avenue Pinard

Les représentants d’Exceldor ont quant à eux détaillé en quoi le site retenu à Saint-Hyacinthe constitue véritablement la seule option envisageable pour la coopérative en regard des nombreux critères qui entrent en ligne de compte dans leur analyse. Pour son PDG, René Proulx, il est simplement « impensable » de se relocaliser dans un nouveau site « sans l’apport de nos employés actuels » et de leur expertise, d’où la nécessité de rester dans la région.

La proximité de l’approvisionnement est également un avantage évident puisque 40 % des producteurs de volailles du Québec se trouvent en Montérégie, a aussi souligné M. Proulx. Dans une perspective de bien-être animal, diminuer le temps de transport des poulets vivants vient réduire le stress et la mortalité engendrés, en plus de diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées au camionnage, a aussi présenté Éric Cadoret, vice-président excellence opérationnelle, technologies de l’information et projets majeurs chez Exceldor.

Exceldor tient également à ce que son usine ait un accès direct à l’axe routier de l’autoroute 20 afin de respecter les « délais serrés de livraison » de ses produits périssables, a ajouté M. Cadoret. Ses autres installations sont déjà implantées le long de cet axe.

Tout au long de la séance, différents intervenants ont expliqué pourquoi des terrains en apparence envisageables ne sont dans les faits pas une option réaliste. L’une des contraintes majeures du projet d’Exceldor réside dans son important besoin en alimentation en eau potable et en traitement des eaux usées (4000 m3 d’eau par jour pour la phase 1). Pour Exceldor, il est par ailleurs devenu « hors de question de traiter [elle]-même [ses] eaux usées », comme c’est le cas en ce moment à Saint-Damase, a fait savoir M. Cadoret. Dans tous les cas, « aucune autre Municipalité dans la MRC ne peut prétendre » être en mesure de répondre à la demande, a indiqué le DG de la Ville de Saint-Hyacinthe. « C’est une illusion de croire qu’on peut installer une telle usine n’importe où sur le territoire », a ajouté M. Bilodeau.

C’est l’une des raisons pour lesquelles le site de 19,67 hectares à Saint-Pie, non loin de la piste de course Sanair, ne peut faire l’affaire, selon les demandeurs. En plus d’être non desservi, le site comporte aussi un accès restreint à la route 235 par sa forme irrégulière et la présence de résidences à proximité, ce qui forme un « goulot d’étranglement » d’une largeur de neuf mètres seulement, a décrit Pascal Simard, directeur à l’aménagement à la MRC des Maskoutains. La Ville de Saint-Pie est présentement en démarche pour faire passer l’usage récréotouristique du site vers un usage industriel, mais « à première vue, on peut se questionner sur la position du ministère des Affaires municipales » face à cette modification, notamment en regard de l’orientation 10, a fait remarquer M. Simard.

Un peu plus loin…

Même en élargissant le périmètre de recherche, on ne trouve aucune superficie suffisante pour un tel projet entre Longueuil et Sainte-Hélène-de-Bagot, selon l’inventaire réalisé par la coopérative, qui visait l’axe de l’autoroute 20. La Fédération de l’Union des producteurs agricoles de la Montérégie a bien pointé des disponibilités du côté de Varennes, mais la distance est jugée trop grande pour réussir à conserver les employés actuels, a répondu la coopérative.

D’autres sites qui semblent pouvoir convenir ne sont simplement pas rendus disponibles par leur propriétaire, a aussi exposé le directeur général de la Ville de Saint-Hyacinthe, qui a par exemple cité une correspondance du PDG de Semex révélant que son vaste terrain à Sainte-Marie-Madeleine n’est simplement « pas à vendre » malgré la relocalisation des activités vers l’Ontario.

Dans la même veine, aucune ouverture ne semble possible du côté des terrains de la Cité de la biotechnologie, juste à l’ouest du boulevard Casavant, appartenant au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Encore là, son directeur régional, Réjean Prince, a clairement statué dans une communication avec la Ville que le Ministère « n’entend pas se départir en tout ou en partie » de ces terres, qui servent toujours aux activités de formation de l’Institut de technologie agricole.

La Ville de Saint-Hyacinthe a également signé des ententes à long terme pour permettre la formation de la relève agricole, notamment sur les 38 hectares près du parc industriel Théo-Phénix, loués pour 20 ans au Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe, qui offre des formations agricoles par l’entremise de l’École professionnelle.

Péril en la demeure

« Aucune autre option ne rencontre l’ensemble de nos critères », a ainsi résumé René Proulx. Or, « forcer Exceldor à installer son abattoir ailleurs, c’est handicaper la survie d’un fleuron », a déclaré le directeur général de Saint-Hyacinthe Technopole, André Barnabé. Plus, c’est même toute la filière avicole québécoise qui serait en péril, ont soutenu plusieurs intervenants.

Joël Cormier, vice-président principal division poulet pour Exceldor, a ainsi exposé que la capacité d’abattage de toute l’industrie (pas seulement d’Exceldor) est déjà saturée, de sorte qu’il arrive que 150 000 à 200 000 poulets par semaine doivent être redirigés vers l’Ontario ou le Nouveau-Brunswick. C’est entre autres ce qui explique l’impossibilité d’arrêter les opérations à Saint-Damase le temps de reconstruire un abattoir neuf, mais la situation illustre aussi le fait que l’industrie québécoise peine à répondre à la demande. Le PDG d’Exceldor dit ainsi craindre que « les clients se tournent vers d’autres provinces » si l’équilibre n’est pas rétabli.

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