C’est avec beaucoup de précautions que les promoteurs maskoutains Vincent Lainesse et Dominic Rodier ont présenté mardi matin les grandes lignes du projet immobilier Biophilia, que leur groupe envisage de construire sur un terrain de stationnement à proximité du Centre des arts Juliette-Lassonde, au centre-ville de Saint-Hyacinthe. Ils avancent avec énormément de prudence, sachant que ce terrain est glissant. Très glissant.
Ce n’est pas la première fois que des promoteurs immobiliers reluquent ce précieux terrain et ils n’étaient pas les seuls intéressés à le développer. Selon nos informations, au moins deux autres promoteurs ont tâté le pouls de l’administration municipale au sujet de ce lot situé le long de la rue Saint-Antoine, entre les avenues de l’Hôtel-Dieu et Saint-Joseph. C’est précisément sur ce terrain que Groupe Sélection comptait, à l’origine, installer son complexe maskoutain, avant que la résistance de quelques résidents et de certains commerçants l’incite à battre en retraite de l’autre côté du Centre des arts, près de la rivière Yamaska.
Si Groupe Sélection a reculé, au sens propre et figuré, pour mieux rebondir, l’idée de développer à des fins résidentielles ce terrain de stationnement est demeurée et elle a fait son petit bonhomme de chemin. Sans vouloir faire de chauvinisme, nul ne peut prétendre que Vincent Lainesse et Dominic Rodier ne sont pas bien branchés sur la réalité maskoutaine, les besoins et les attentes de la population. Et leur groupe a sans aucun doute appris, et la Ville de Saint-Hyacinthe également, des erreurs commises par Groupe Sélection lorsqu’il est débarqué chez nous. Plutôt que de tenir une soirée d’informations où il présentera un projet abouti, M. Lainesse assure qu’une véritable consultation citoyenne servira à définir, puis à peaufiner ce projet.
Voilà ce qui explique l’extrême prudence avec laquelle Vincent Lainesse parle du projet, en utilisant le conditionnel et en multipliant les « si ». Et en insistant sur le principe de l’acceptabilité sociale sur lequel il faut asseoir ce projet.
Ce que l’on sait de ce dernier, c’est qu’il prendrait la forme d’un immeuble de 200 à 250 unités réparties sur possibement 8 étages, comptant 30 % d’unités à loyer abordable pour des ménages à revenu modeste. Il est question de loyers bien en deçà du prix du marché pour des logements comparables. En date d’aujourd’hui, un 4 et demie flambant neuf dans la tour Biophilia serait offert à environ 650 $ par mois. Cela correspond-il à votre notion de logement abordable? C’est conforme à la nôtre en tout cas et cela en fera rêver plusieurs!
Mais encore une fois, c’est toute la question du stationnement au centre-ville de Saint-Hyacinthe qui risque d’animer, voire de faire déraper, les conversations autour du projet Biophilia, qui s’élèvera sur un stationnement stratégique de 180 cases. « La beauté de l’affaire, dit le maire André Beauregard dans le communiqué de presse officiel, c’est que ce projet se réalisera sans réduire l’offre de stationnements publics. »
Par quel tour de magie, demande le lecteur avisé du COURRIER? Grâce à la construction d’un stationnement intérieur, nous dit-on. Un stationnement qui serait en partie accessible au grand public et à la clientèle du Centre des arts une fois la construction du complexe ACHEVÉ. Mais pendant les quelque 18 mois (notre évaluation) que pourrait durer la construction, comment les résidents, les travailleurs et la clientèle du centre-ville pourront-ils composer avec la disparition du stationnement le plus fréquenté au centre-ville? « C’est un défi », a reconnu le maire Beauregard en entrevue.
C’est un ÉNORME défi, pour reprendre l’expression associée à une certaine image de marque. La Ville de Saint-Hyacinthe a réussi à relever celui posé par la construction du projet de Groupe Sélection en exploitant les possibilités au maximum, mais dénicher 180 places supplémentaires, même sur une base temporaire le temps de la construction de Biophilia, exigera beaucoup d’imagination. C’est un défi qui risque d’occuper la Ville et les promoteurs à temps plein s’ils souhaitent s’assurer de l’acceptabilité sociale tant recherchée. Mais pour une fois que des promoteurs s’engagent résolument sur la voie du logement abordable, on serait bien fou de les décourager. Donnons-leur plutôt la chance de nous surprendre.
Ils en sont capables.