Après le système de santé à deux vitesses, voici en quelque sorte l’échelle de valeurs syndicales à géométrie variable. Beau débat en perspective sur ce qui est respectueux ou pas dans notre société à l’ère des réseaux sociaux numériques.
Au cas où cela vous aurait échappé, la grosse affaire de la fin de semaine dans le réseau de la santé au Québec nous est arrivée par l’entremise d’une publication de la FTPQ, assortie d’une photo on ne peut plus choquante.
Le message allait comme suit : « Ça, c’est un cadavre qui est resté dans l’entrés [sic] des ambulances de l’hôpital Honoré-Mercier, à Saint-Hyacinthe. Le corps de ce patient est resté là de midi à 14 h 30, aujourd’hui [samedi]. Il faisait 35 degrés Celsius dans cet ancien garage converti en entrée pour les paramédicaux et leurs patients. Si c’était la première fois que ça arrivait, on ne vous en parlerait probablement pas… Centre hospitalier Honoré-Mercier, t’as #pasdallure. » Fin de la publication.
La démarche manquait certes de délicatesse et de considération sur une page qui préconise le contenu et les échanges respectueux et interdit toute publication disgracieuse ou violente.
En ces temps de négociations qui s’étirent, puisque les paramédicaux sont en moyen de pression et sans contrat de travail depuis plus de deux ans, l’intention du syndicat était de faire bouger les choses. À ce chapitre, c’est mission accomplie. La publication a dégoûté tout le monde et la controverse a fait boule de neige dans les médias traditionnels pour des raisons évidentes.
Le syndicat à l’origine de cette histoire a défendu son geste en disant que ce genre d’histoire est survenu à une dizaine de reprises depuis 2019, dont la dernière fois en décembre. Son coup d’éclat visait à dénoncer une pratique qui n’est pas si « exceptionnelle » que le prétend la direction. En entrevue, le chef de l’urgence de l’Hôpital, le Dr Jocelyn Dodaro, a bien tenté de nuancer le tout. Il a précisé que le patient était décédé bien avant son arrivée à l’hôpital et qu’il n’aurait pas dû y être conduit puisque cette situation relevait du bureau du coroner. Le personnel a dû en quelque sorte improviser la suite avec un corps en état de putréfaction. L’option du garage réservé aux ambulances s’est imposée et le corps sur une civière a été placé un peu à l’écart derrière un paravent ou deux. « On fait ce qu’on peut avec les locaux qu’on a », a résumé avec impuissance le Dr Dodaro, en laissant cependant entrevoir que la situation ne pourra que s’améliorer pour les malades et le personnel soignant avec l’ouverture de la nouvelle urgence construite et aménagée au coût de 69 millions $.
Je n’ai toutefois pas entendu le Dr Dodaro ni personne ces derniers jours promettre que tous les problèmes actuels vont se régler comme par magie avec la nouvelle urgence.
Il faut savoir que notre nouvelle urgence sera plus grande et fonctionnelle que l’ancienne, mais qu’il n’y aura pas plus de civières et d’urgentologues que dans la vieille où les soignants éteignent des feux tous les jours et s’occupent des vivants en détresse.
Ils n’ont malheureusement pas trop de temps à perdre avec ceux qui ne le sont plus. Nous en avons eu la triste preuve samedi et je ne vais surtout pas blâmer le Dr Dodaro, son équipe ou le personnel de l’urgence. Sauf que faire ce qu’on peut avec ce qu’on a n’est pas toujours suffisant. Il faut être en mesure de faire mieux. Mourir dans la dignité est un principe qui va bien au-delà de décider du moment ou de la manière de partir.
Mourir dans la dignité, c’est aussi de s’assurer que le garage des ambulances de l’Hôpital Honoré-Mercier soit tout sauf un plan B et une morgue improvisée.
Note à François Legault et au ministre de la Santé Christian Dubé, il y a des problèmes beaucoup plus criants et révoltants que l’immigration au Québec.
Nos hôpitaux en sont pleins.