On se souvient que Tali Darsigny a réalisé un véritable tour de force en terminant au 9e rang dans la catégorie des 59 kg, atteignant largement l’objectif qu’elle s’était fixé de percer le top 10 mondial. Elle a même soulevé ses meilleures barres à vie pour l’occasion. De son côté, Rachel Leblanc-Bazinet a pris le 12e rang chez les 55 kg. Si elle avait été en pleine santé, elle aurait espéré soulever de meilleures barres, mais des blessures l’affectaient depuis plusieurs mois et l’ont empêché de déployer son plein potentiel. Elle était tout de même fière de ce qu’elle avait accompli et de sa combativité.
Après les Jeux olympiques, toute la pression qu’elles s’étaient imposée pendant les cinq années du cycle olympique – habituellement, le cycle dure quatre ans, mais la pandémie et le report des Jeux olympiques l’avait étiré une année de plus – est retombée.
« Je trouvais déjà ça difficile de rester motivée [et de continuer à m’entraîner] pendant la COVID, surtout que les Jeux étaient repoussés d’un an », raconte Rachel. Complètement épuisée, tannée de faire de nombreuses concessions, elle s’est offert plusieurs semaines de congé à son retour, jonglant avec l’idée de prendre sa retraite.
« Moi, j’ai eu un petit boost de motivation à mon retour des Jeux, soutient Tali. Trois jours après la compé, j’étais déjà dans le gym à m’entraîner. J’étais contente de ma forme. J’avais atteint mon objectif aux Jeux et j’étais sur une bonne lancée, mais un mois et demi après, j’ai recommencé l’université et la motivation s’est dissipée. […] Je n’avais plus d’objectif on dirait. J’avais atteint mon but, donc je ne savais plus trop pourquoi je m’entraînais. On a atteint le top des compétitions. Toutes les compétitions [en haltérophilie], on les a déjà faites maintenant. Il n’y a plus rien de nouveau. Il fallait trouver notre motivation dans des choses plus petites, comme des objectifs personnels. »
L’athlète de Saint-Simon a également découvert de nouvelles facettes de la vie dont elle se privait jusque-là pour se consacrer entièrement à réaliser son rêve de participer aux Jeux olympiques.
« Je me suis plus impliquée dans la vie étudiante cette année. Je n’avais jamais participé aux activités avec d’autres gens de mon âge, je n’avais jamais fait le party ou pratiquer d’autres sports. C’était comme ça depuis que j’étais ado parce que je m’entraînais pour les Olympiques. C’était ça mon but et j’avais un mode de vie super rigide pour y arriver. J’ai réalisé après les Jeux qu’il y avait autre chose dans la vie que l’haltéro. »
Conditionnée à s’entraîner depuis tellement d’années, Tali n’a jamais quitté le gym pour autant, mais elle a modéré ses entraînements afin de reprendre plaisir à faire de l’haltérophilie pour l’amour du sport, tout simplement.
« Il y a eu des fois où je me demandais si je voulais continuer, si je voulais me rembarquer dans un cycle olympique. J’ai pensé à prendre ma retraite, avoue l’haltérophile de 24 ans. Mais je voyais les Jeux du Commonwealth arriver et le championnat canadien senior où je pouvais aller chercher un cinquième titre, donc j’essayais de me donner des objectifs. J’ai aussi recommencé à recevoir mon financement du Programme d’aide aux athlètes du Canada, grâce à ma performance aux Jeux, et ça m’a poussé à continuer à m’entraîner. »
De son côté, Rachel a mis plus de temps à reprendre goût à la compétition. C’est en remontant sur la plateforme au championnat canadien senior qu’elle a renoué avec ce sentiment, la poussant à ne pas mettre un terme à sa carrière tout de suite. « Ça m’a fait du bien. J’ai eu du fun à compétitionner. Je suis loin des barres que je faisais, mais ça me tentait d’être sur le plateau », affirme l’athlète de 33 ans, qui fait aussi partie de la délégation de La Machine Rouge présente aux Jeux du Commonwealth à Birmingham, en Angleterre, ces jours-ci.
Depuis son retour des Jeux, Rachel a développé un intérêt pour un autre pan de l’haltérophilie : celui du rôle d’entraîneuse. Elle s’implique depuis quelques mois auprès des jeunes d’un club à Lachute, ville où elle déménagera cet automne pour rejoindre son copain. Elle a aussi un contrat avec un programme sport-études où elle entraîne 16 athlètes.
« Je commence à préparer mon après-carrière. J’ai le goût de redonner à la communauté d’haltéro. C’est plus là que je suis rendue. Des entraîneurs qui sont des filles, ça manque en haltéro et je veux inspirer les jeunes. »
Elle continue néanmoins de compétitionner pour le plaisir, sans se mettre la pression qu’elle s’est imposée au cours des dernières années. « Je suis arrivée random dans le sport. Je n’étais pas censée aller aux Olympiques, rappelle-t-elle. Aujourd’hui, je pense que j’ai fait ce que j’avais à faire. »
Compétitrice dans l’âme, Tali Darsigny « garde espoir de retourner à [s]es plus grosses barres » après avoir observé un certain recul dans la dernière année avec la pause qu’elle s’est permise. « Mais pour l’instant, je vais être très satisfaite avec ce que je fais comme performance », conclut-elle.