Côté chance dans cette triste histoire, c’est plutôt le conducteur du VUS qui en a eu puisqu’il s’en sort sans une égratignure, sans accusations criminelles ni même une petite contravention. Faut être chanceux pas à peu près. Pour les proches de Jérémy, ce n’est évidemment pas le genre de conclusion apte à mettre du baume sur une plaie encore vive, mettons. Car le rapport de la coroner Lyne Lamarre, chargée d’établir les circonstances de cet accident mortel et de formuler des recommandations pouvant permettre d’en éviter de nouveaux, était attendu avec beaucoup d’impatience par la famille de la victime, dont sa mère Nancy Graveline.
Elle pensait y trouver des explications, de possibles réponses, voire un peu d’apaisement, dans la mesure où elle savait déjà que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), sur la base de l’enquête policière, avait décidé de ne pas porter d’accusations à l’égard du conducteur responsable de la mort de son fils.
Je précise ici que Jérémy n’a absolument rien à se reprocher. Il était sobre et son cyclomoteur était en ordre et pourvu de tous les feux réglementaires.
Il circulait dans la voie de droite à seulement 68 centimètres de la ligne blanche, tandis qu’à l’impact, les deux roues de droite du VUS, qui étaient sur la ligne blanche, empiétaient même légèrement sur l’accotement à droite de la route, selon l’analyse de la scène faite par le reconstitutionniste de la Sûreté du Québec. La lecture du rapport n’a fait qu’attiser la rage, la douleur et l’incompréhension de Mme Graveline, comme de bien des gens qui ont pris connaissance des articles de journaux qui en ont découlé. Et pour cause.
Si on suspectait déjà que le cellulaire était en cause dans cette tragédie, il n’y a plus aucun doute possible. C’est écrit noir sur blanc. « L’ensemble des éléments recueillis démontre que le conducteur du véhicule sport est distrait par l’utilisation d’un cellulaire au volant peu de temps avant l’impact et au moment de l’impact. Puisque l’attention du conducteur n’est pas dirigée sur sa conduite, il ne voit pas (aucune manœuvre d’évitement) le jeune Jérémy qui circule sur son cyclomoteur devant lui et le percute avec son véhicule », écrit la coroner.
Celle-ci note également que la conclusion de l’enquête policière va dans la même direction en révélant que la cause de la collision routière est attribuable à la distraction du conducteur du VUS causée par l’utilisation d’un cellulaire au volant.
La coroner mentionne pourtant qu’aucune accusation criminelle n’a été déposée par le DPCP contre le conducteur fautif dans ce dossier, mais se garde bien d’expliquer pourquoi l’idée d’une accusation de conduite dangereuse ou de négligence criminelle causant la mort n’a pas été retenue. Ainsi, elle se contente de préciser que Jérémy est décédé d’un traumatisme craniocérébral consécutivement à la collision routière entre un VUS et le cyclomoteur qu’il conduit. « Il s’agit d’un décès accidentel », conclut-elle avant de formuler des recommandations d’usage sur l’importance de prévoir davantage d’opérations policières pour contrer l’utilisation du cellulaire au volant, tout comme les campagnes de sensibilisation.
On comprend donc essentiellement deux choses de l’absence d’accusations : soit le travail policier n’a pas été fait selon les règles de l’art ou encore qu’un élément crucial amène le DPCP à douter de ses chances d’obtenir un verdict de culpabilité. Un détail comme l’incapacité d’établir hors de tout doute que le conducteur avait bel et bien les deux yeux rivés sur son cellulaire au moment de l’impact. À la seconde près. À la lecture du rapport du coroner et compte tenu du fait que le conducteur s’en tire à si bon compte, on se dit qu’il y a parfois des batailles qu’il faudrait mener même si les issues peuvent être incertaines. Certes, le dépôt d’accusations n’aurait pas ramené Jérémy à la vie. Sauf que sa famille et ses proches auraient au moins l’impression que le responsable de leur malheur a eu des comptes à rendre et non qu’il est juste ben ben chanceux lui.