Enfin! Nos courageux politiciens se sont attaqués au principal problème qui menaçait notre économie, notre belle langue française et, selon certains chroniqueurs, notre civilisation elle-même : le vilain chemin Roxham. Fiou. Il est fermé.
François Legault est content. Paul Saint-Pierre Plamondon est content, les chroniqueurs qui en faisaient leur pain et leur beurre sont contents et si on regarde les sondages, y a manifestement plein de gens contents.
Pas moi. J’étais plutôt triste en fait. Et un peu inquiet. À l’annonce de la nouvelle, j’ai repensé à une anecdote attribuée à l’anthropologue de renommée mondiale Margaret Mead. Un étudiant lui aurait demandé ce qu’elle pensait être le premier signe de civilisation dans une culture en s’attendant sans doute à ce qu’elle lui parle de pointes de flèches, de pots en terre cuite, des colliers ou des trucs du genre. Elle lui a plutôt répondu : « La découverte d’un fémur cassé, puis guéri. »
L’anthropologue lui a expliqué que dans le règne animal, tu te casses la jambe, tu meurs. Tu ne peux plus fuir, aller boire à la rivière ou chercher de la nourriture. Crac, fini pour toi, t’es de la viande pour les autres. Trouver un os cassé, puis guéri est donc la preuve que quelqu’un a pris le temps d’être avec celui qui est tombé, l’a emmené dans un endroit sûr et l’a aidé à se remettre même s’il n’était plus « utile » pour le clan. Mead situait donc le début d’une civilisation, à ce moment précis où l’on a aidé quelqu’un en difficulté. Voilà pourquoi je vois dans la fermeture du chemin Roxham une sorte de fin de civilisation. Nous faisons encore de belles pointes de flèches, des pots en terre cuite et de jolis colliers, mais pour le reste, y a pas de quoi être fiers.