Après quelques années sans que rien ne se produise, des citoyens ont entrepris de faire bouger les choses et de convaincre les maires de la MRC du bien-fondé d’un nouveau pont. Ils ont fait leurs devoirs, effectué maintes recherches et démontré toutes les entraves qu’apporterait un pont « rénové » qui conserverait une charge réduite, empêchant tout véhicule de plus de 12 tonnes comme les machineries agricoles certes, mais aussi la déneigeuse, les camions de transport et les camions à incendies et véhicules d’urgence ainsi que les autobus de circuler.
Ils ont remarqué que la nouvelle étude patrimoniale contient quelques incongruités comme le fait d’accorder plusieurs points pour des éléments qui n’existent plus alors que le pont est à l’abandon depuis bientôt 10 ans. Ils ont démontré que les détours des transporteurs désirant éviter le noyau villageois endommageaient plusieurs kilomètres de routes appartenant à notre municipalité et à des municipalités voisines comme Saint-Liboire et Saint-Dominique.
Voilà tout ce que plusieurs conseillers, le maire Daniel Paquette et Réal Deslandes, ce citoyen engagé dans ce projet, ont présenté aux maires de la MRC le lundi 27 mars dernier. C’est sur la base de tous ces renseignements que les maires, des gens avisés et capables de prendre une décision, ont voté et non pas à cause d’une poignée d’agriculteurs riverains, comme le prétendait le journaliste du Devoir dans son édition du 17 mai dernier. Cinq agriculteurs possèdent des terres de chaque côté de la rive, mais ils pèsent bien peu dans cette histoire et, d’ailleurs, le ministre Lamontagne a dit lui-même au Courrier de Saint-Hyacinthe que « si c’était un dossier simple, ça ferait longtemps que ce serait réglé ».
Je suis consciente que ces ponts méritent que l’on conserve leur histoire. Nos ancêtres vivaient d’une agriculture de subsistance et désiraient entrer dans la modernité avec l’arrivée des voitures à essence et des premiers tracteurs à roues métalliques. Cent trois ans plus tard, les gens ont-ils le droit de demander un nouveau pont qui pourra durer tout aussi longtemps devant la modernité d’un nouveau siècle, et ce, sans contraintes incessantes? Qu’en penseraient Joseph Paré et Arthur L’Heureux, ces deux agriculteurs visionnaires qui désiraient un pont neuf parce qu’ils en avaient assez des problèmes engendrés par les leurs? L’un d’entre eux n’existait d’ailleurs plus. Si la valeur patrimoniale de son architecture est si importante, des architectes créateurs pourraient intégrer, à un tablier pouvant supporter le tonnage d’aujourd’hui, des éléments architecturaux de ce pont.
Cependant, ce qui me peine dans tout cela est la désinformation ou l’absence d’informations provenant des détracteurs d’un pont neuf. Leurs deux arguments présentés sont d’abord que le pont est « réparable », alors qu’il ne sera jamais patrimonial puisque trop d’éléments seront refaits à neuf, tandis que d’autres n’existent plus. Pas étonnant que tout cela ait été écrit dans un autre journal au lieu du Courrier où la journaliste Sarah-Ève Charland a rapporté les faits consciencieusement.
Dès lors, ces détracteurs sont revenus à la charge dans une lettre ouverte au Devoir en martelant surtout leur deuxième argument, à savoir que c’est à cause des agriculteurs « qui font pression » à la MRC. Cependant, ils n’accusent plus les agriculteurs du 10e Rang; ils s’en prennent maintenant à tous les agriculteurs et à leurs méthodes de travail. Ils auraient pu aller à leur rencontre pour constater que ces derniers développent depuis longtemps différents procédés afin de travailler le sol minimalement. Il ne faudrait pas oublier qu’une immense majorité d’entre eux cultivent les terres de leurs ancêtres et désirent les léguer à leurs enfants, alors ils doivent connaître le sens du mot « patrimoine ». Certes, ils ont grossi leur machinerie et ils ne reviendraient pas à la culture en planches, sans égouttement des terres provoquant un retard de 4 à 5 semaines dans les semences pour nourrir une population de 8 millions d’habitants. C’est une insulte à l’intelligence des agriculteurs.
Il faudrait revoir notre histoire pour réaliser qu’au Québec, de nombreuses innovations ont été réalisées par le biais de l’agriculture. Le forgeron, le voiturier et bien des gens de métier cultivaient la terre et perfectionnaient les instruments aratoires. Les curés des villages étudiaient l’agronomie et mettaient sur pied des cercles agricoles et des coopératives pour améliorer le travail de leurs paroissiens. Les premiers entrepreneurs québécois ont conçu différents objets pour optimiser leurs nombreuses tâches. Pourquoi? Parce que les agriculteurs nourrissent le patrimoine humain que nous sommes!
Cependant, le plus grand point à mon avis militant en faveur d’un nouveau pont est la sécurité de la population et c’est pour cette raison que j’ai pris la parole. J’ai lu les études et entendu des points de vue pertinents. J’ai aussi vu la réalité sur le terrain, au village où j’ai grandi en sécurité et où mes neveux ne le pourront jamais. J’ai vu les agriculteurs se faire couper la route sur un quadrilatère où ils ne devraient normalement pas se trouver.
Une autre chose m’a convaincue : mon grand ami a failli mourir parce que les premiers répondants et l’ambulance, devant un pont fermé, ont dû faire un détour de 7 kilomètres pour arriver à lui. Lorsque vous vous intoxiquez au HS, votre cœur et vos poumons commencent à paralyser et on doit vous administrer de l’oxygène immédiatement. Durant son transport à l’hôpital, les ambulanciers lui ont confirmé qu’il était à « une minute » de la mort. Il ne m’avait rien dit par respect pour ma passion de l’histoire! On appelle ça le contraire de « mettre la pression »! Sept minutes, pour quelqu’un assis dans son bureau à la ville, c’est court. Sept minutes de plus – ne l’oublions pas – à attendre de l’aide, c’est sans fin et je ne le souhaite à personne!
Suzanne Normandin, Saint-Hyacinthe