Il ne demeurera pas longtemps au pouvoir, le gouvernement Joly basculant dans l’opposition dès octobre lorsque cinq députés libéraux votent contre une décision de leur propre administration. Cette volte-face permet aux conservateurs de Chapleau de se réinstaller au pouvoir.
En 1881, des élections ont lieu et Mercier est réélu sans opposition. Il décide quand même de quitter Saint-Hyacinthe pour s’installer à Montréal où il vise une meilleure clientèle. Il demeure toutefois député du comté. En 1883, Joly de Lotbinière quitte la tête du parti libéral et il désigne lui-même son successeur : Honoré Mercier. Le député de Saint-Hyacinthe devient dès lors chef de l’opposition. Cette même année, il renoue avec le journalisme en fondant le quotidien Le Temps, un journal résolument libéral.
Puis, en 1885, survient l’affaire Louis Riel. À la suite d’un procès fort médiatisé et au dénouement controversé, le chef des Métis du Manitoba est pendu à l’instigation des conservateurs fédéraux de John A. Macdonald.
Cette exécution est décriée unanimement au Québec et, dans son célèbre discours prononcé au Champ-de-Mars à Montréal, Mercier accuse les conservateurs québécois, dont l’ancien chef Joseph-Adolphe Chapleau siège désormais à Ottawa, d’avoir contribué à cette infamie. Son discours qui débute par les mots : « Riel, notre frère, est mort » frappera les esprits pour de nombreuses années. En 1887, Mercier devient premier ministre du Québec. C’est la seule fois qu’un député du comté de Saint-Hyacinthe accédera à ce poste.
L’un des principaux problèmes auquel fait face le gouvernement Mercier, c’est l’exode des Canadiens français vers les États-Unis. Pour contrer ce phénomène, Mercier crée en 1888 le ministère de la Colonisation. Le curé Antoine Labelle, pourtant conservateur, accepte de devenir sous-ministre du nouveau ministère. Mercier, en contrepartie, investit dans le développement des chemins de fer et dans l’agriculture.
Socialement, le gouvernement Mercier se situe à gauche de l’échiquier politique. Il fait voter des lois pour fortifier le respect du nombre d’heures de travail; il améliore les conditions de travail des femmes et des enfants dans les manufactures; il investit dans l’éducation publique; il met sur pied l’ouverture de bibliothèques publiques.
En 1890, Mercier déclenche des élections. Cette fois, il ne se présente pas à Saint-Hyacinthe, mais plutôt dans Bonaventure, où il est facilement élu. C’est un confrère avocat, Odilon Desmarais, qui sera élu député libéral dans le comté maskoutain.
La fin de carrière de Mercier est plutôt pénible. En août 1891 éclate le scandale de la Baie des Chaleurs, un des scandales les plus importants à survenir au Canada depuis la Confédération. Le grand organisateur du parti libéral, Ernest Pacaud, est accusé d’avoir détourné des fonds devant servir au développement d’un projet de chemin de fer. Le lieutenant-gouverneur Auguste-Réal Angers démet le premier ministre de ses fonctions et demande aux conservateurs, pourtant fortement minoritaires, de former le gouvernement.
Des élections ont lieu en mars 1892 et les libéraux de Mercier sont battus à plate couture. Mercier demeurera très amer à la suite de cette défaite, d’autant plus que le rapport de la commission d’enquête sur le scandale l’exonère de tout blâme. C’est ruiné financièrement et presque aveugle à cause du diabète qu’il meurt à Montréal le 30 octobre 1894. S’il n’est plus chef des libéraux, Félix-Gabriel Marchand l’ayant remplacé, il demeure député de Bonaventure jusqu’à son décès.
Par Martin Ostiguy, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe