14 septembre 2023 - 07:00
Projet de cinéma au centre-ville
Cash et crédibilité
Par: Martin Bourassa

Qu’est-ce qui demande le plus d’audace? Mettre sur pied un organisme à but non lucratif dans l’espoir de faire revivre une vieille salle de cinéma au centre-ville ou appuyer financièrement ce projet à l’aide de fonds publics, à raison de 500 000 $ étalés sur cinq ans? Dans les deux cas, il faut en avoir à revendre et j’aime ça!

Jusqu’ici, il faut saluer la détermination avec laquelle le cinéaste maskoutain Claude Gagnon pilote le dossier. En plus d’avoir jeté les bases du Cinéma Maska, il a réussi à convaincre une poignée d’intéressés à le suivre dans la relance du Théâtre Maska sur l’avenue de l’Hôtel-Dieu. Un conseil d’administration a même été formé.

Mais Claude Gagnon n’est pas seulement un réalisateur de talent. Il est aussi un sacré bon vendeur puisqu’il a convaincu la Ville de Saint-Hyacinthe d’allonger jusqu’à 500 000 $ pendant les cinq prochaines années pour soutenir cette aventure.

Un seul conseiller, David-Olivier Huard du district Douville, a trouvé à redire. Il déplore que la Ville s’engage financièrement dans ce projet, alors qu’elle refuse de rehausser son appui à d’autres organisations qui ont des besoins criants, prétextant ses contraintes budgétaires actuelles. Des contraintes qui n’empêchent pourtant pas ce conseil d’envisager majoritairement d’investir plus de 30 M$ dans la reconstruction de la promenade Gérard-Côté. Avez-vous seulement une petite idée du nombre d’organismes communautaires que l’on pourrait soutenir avec une somme de 30 M$?

Je m’écarte un peu de mon sujet, mais pas tant que ça.

Aussi bon vendeur soit-il, Claude Gagnon n’est pourtant pas au bout de ses peines. Tout le financement est loin d’être attaché. On comprend que, si la rentabilité d’une salle de cinéma au centre-ville de Saint-Hyacinthe sautait aux yeux, il y a longtemps que le privé se serait manifesté. Ce n’est pas le cas. Un OBNL pourra-t-il réussir à acheter la bâtisse, à la rénover de fond en comble et à réussir à y opérer avec succès un cinéma de répertoire ou de niche, tout en ne concurrençant pas les salles de cinéma commerciales? Il y a des sceptiques dans la salle.

À commencer par Jean Colbert, l’ancien propriétaire de salles de cinéma à Saint-Hyacinthe. Dans une lettre qu’il nous a fait parvenir, puis en entrevue, il parle d’une aberration totale, d’un projet voué à l’échec, donc d’un gaspillage de fonds publics si on lit le moindrement entre les lignes. Je comprends son point de vue. Et je réagirais sans doute comme lui si j’apprenais que nos élus envisageaient d’investir 500 000 $ pour soutenir un nouveau média communautaire. Mais dans le cas du Cinéma Maska, j’estime qu’on doit donner une petite chance au coureur. J’aime le beau risque pris par la Ville de Saint-Hyacinthe. J’aime savoir que la Ville, avec un budget annuel de 133 M$, est assez audacieuse pour accueillir de telles opportunités quand elles se présentent. Des opportunités qui ne figurent pas dans son plan triennal d’immobilisations.

Avec l’appui de la Ville, le Cinéma Maska vient soudainement de gagner en crédibilité auprès des donneurs de subventions et des prêteurs. Claude Gagnon ne passe plus pour un hurluberlu. Il est soudainement plus pertinent, ce qui va en déranger certains.

Mais si cet appui lui assure un bel élan, il ne garantit pourtant rien. Ces 500 000 $ pourraient n’exister que sur papier. Cette aide financière est en effet assujettie à un paquet d’exigences et de conditions qui n’ont rien de simples formalités.

À cet effet, il est toujours étonnant de constater à quel point la Ville est capable d’appliquer des standards différents selon la nature des projets ou l’identité des promoteurs derrière ceux-ci. En mars 2020 par exemple, aucun conseiller n’avait manifesté son désaccord ni émis le moindre bémol quand la Ville a annoncé qu’elle s’engageait à investir plus de 2 M$ sur 20 ans auprès de l’OBNL qui a acheté, puis pris en charge les opérations de l’aéroport de Saint-Hyacinthe. J’ai beau lire et relire cette entente, je n’y trouve aucune cible à atteindre, hormis les exigences d’usage au niveau de la reddition de comptes. Et qui avait fièrement appuyé cette résolution au nom du conseil? Je vous le donne en mille : David- Olivier Huard.

FIN

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