Mais les conservateurs ne sont pas dupes. Ils sont convaincus que les libéraux veulent profiter de l’immense popularité du premier ministre fédéral Wilfrid Laurier, le premier Canadien français à occuper ce poste depuis 1867. Quoi qu’il en soit, les résultats sont sans équivoque. Les libéraux obtiennent 90 % des suffrages, tandis que les conservateurs sont pratiquement rayés de la carte.
Dans le comté de Saint-Hyacinthe, Georges-Casimir Dessaulles, âgé de 73 ans, décide de ne pas se représenter. C’est le notaire Joseph Morin qui pose sa candidature. Aucun candidat conservateur ne s’étant présenté contre lui, il est élu par acclamation. Il en sera de même lors de l’élection de 1904. En 1908, il se présentera une troisième fois, mais sera défait par Henri Bourassa.
Fils de Pierre Morin, cultivateur, et de Tharsille Vasseur, il est né à Saint- Hyacinthe le 24 février 1854. Il fait ses études au Séminaire de Saint-Hyacinthe et devient clerc-notaire à l’étude de Michel-Esdras Bernier de 1878 à 1901. Bernier fut le député libéral de la circonscription au fédéral de 1882 à 1904.
En 1882, Joseph Morin épouse à Montréal Marie-Louise-Laetitia Bourgoin, avec qui il aura trois fils. L’aîné, René, sera maire de Saint-Hyacinthe de 1914 à 1917, puis député fédéral de Saint-Hyacinthe de 1921 à 1930. En 1901, Joseph Morin fonde sa propre pratique. Quatre ans plus tard, il s’associe avec son fils René. Leur bureau porte dès lors le nom de Morin & Morin. Son plus jeune fils, Henri, également notaire, se joindra à eux par la suite.
Son autre fils, Gaston, ne sera pas notaire, mais médecin. Il travaille dans des cliniques parisiennes avant de pratiquer la chirurgie à Ottawa et à Hull. Il devient lieutenant, puis capitaine, dans le corps médical du Corps expéditionnaire canadien lors de la Première Guerre mondiale, du 28 juillet 1914 au 11 novembre 1918. Il succombe, le 15 octobre 1918, de la grippe espagnole, à l’âge de 34 ans.
À l’Assemblée législative, Joseph Morin se fait un champion de l’éducation. Pour lui, l’un des projets les plus importants mis en place par son gouvernement est le développement et la modernisation de l’instruction publique. Habile homme de chiffres, il répète souvent dans ses discours en chambre que le budget provincial doit se solder par des surplus pour permettre au gouvernement d’améliorer le sort de la population.
Le notaire Morin ne s’intéressa pas qu’à la politique provinciale. Il a été échevin durant plusieurs années. Dans son « Histoire de la ville de Saint-Hyacinthe », Mgr Charles-Philippe Choquette souligne le fait que Morin fut l’un des premiers à s’alarmer de l’effet des microbes sur la population. Alors échevin, il milite vigoureusement pour que soient effectués, en 1900, les premiers essais de filtration de l’eau polluée de la rivière Yamaska.
Ayant un attachement particulier pour le domaine agricole, il a été secrétaire- trésorier de la Société d’agriculture de Saint-Hyacinthe de 1878 à 1893. Il dirigera la Société d’industrie laitière de la province pendant presque une décennie et présidera le Conseil d’agriculture du Québec de 1906 à 1908.
En 1909, on reconnaît sa grande compétence touchant les questions financières et municipales et on le nomme auditeur des comptes de la province de Québec, poste qu’il occupera jusqu’à sa retraite en 1929. Il décède un an plus tard, le 2 mars 1930.
Par Martin Ostiguy, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe