12 octobre 2023 - 03:00
Rattrapage salarial des cadres de Saint-Hyacinthe
Gras ben dur
Par: Martin Bourassa
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

À l’heure où une majorité des employeurs doivent jongler avec leur structure salariale et les augmentations de salaire qu’ils consentiront à leurs employés du secteur privé, les plus récentes nouvelles qui proviennent de la Ville de Saint-Hyacinthe ont de quoi les inquiéter et les faire enrager. Même chose pour le contribuable maskoutain qui devra sans doute absorber une facture de plus sur son prochain compte de taxes.

Ainsi, la Ville de Saint-Hyacinthe vient de consentir avec une facilité déconcertante, au terme d’un débat public de 30 minutes qui s’est terminé par un vote de 9 contre 2, un rattrapage salarial de 14 % à l’ensemble de ses cadres au 1er janvier 2024. À cette augmentation s’ajoutera l’indexation annuelle de 2,25 % déjà prévue. Ce cadeau aux cadres, qui survient au moment où la Ville de Saint-Hyacinthe célèbre sobrement son 275e anniversaire, coûtera à lui seul plus de 1 M$.

Et pourquoi la Ville de Saint-Hyacinthe se sent-elle obligée de réserver pareil traitement de faveur à ses cadres? Pas parce qu’ils font du travail exceptionnel ou que leur rendement le justifie. Non, la raison principale, c’est parce qu’ils font pitié avec leur maigre pitance, leurs fonds de pension et tous leurs avantages sociaux.

Tellement que la Ville arrive difficilement à pourvoir ses postes et à retenir ses meilleurs éléments, une situation qu’elle attribue au fait qu’elle n’est pas assez concurrentielle quand elle se compare à 13 municipalités comparables.

Une analyse indépendante a révélé que 91 % des postes de cadres de la Ville se situaient sous le salaire moyen des postes similaires dans les municipalités comparables. Pour combler l’écart face aux salaires moyens, la firme a donc proposé des cibles de rattrapage pour atteindre la moyenne de 100 % ou la dépasser de 103 % ou 105 %.

Surprise, la direction générale, qui bénéficiera de cette mesure, a proposé aux élus le scénario le plus généreux et onéreux. Et c’est pratiquement passé comme du beurre dans poêle, exception faite des dissidences des conseillers Bernard Barré et David Bousquet.

Celui-ci a même puisé dans une récente chronique de Michel Girard, chroniqueur du Journal de Montréal, des arguments qui n’ont pas semblé émouvoir ses collègues. Dans un texte publié en décembre 2022 et intitulé « Les employés municipaux encore et toujours grassement rémunérés », Girard mentionnait, en s’appuyant sur le Rapport sur la rémunération des salariés, que les employés municipaux sont gras dur sur le plan du salaire et des avantages sociaux à comparer aux employés de tous les autres secteurs au Québec, du moins dans celles de 25 000 habitants et plus. Au plan salarial, ces employés municipaux gagnent 25,7 % de plus que les fonctionnaires québécois occupant des postes similaires. Et quand on inclut les avantages sociaux, la rémunération globale des salariés municipaux dépasse de 34,6 % celle des employés de l’État québécois.

Oui, mais nos précieux employés sont moins gras dur qu’ailleurs, ont répliqué les autres élus à la lumière du vote exprimé à la séance du 2 octobre.

En rencontre éditoriale, le maire André Beauregard et la directrice générale Chantal Frigon, dont le salaire annuel maximal passera à plus de 210 000 $ en janvier en tenant compte de l’indexation, j’ai demandé si les critères de sélection trop rigoureux ou si les bassins de recrutement trop restreints parmi lesquels la Ville puisait, à l’aide de chasseurs de têtes, ses divers candidats ne pouvaient pas expliquer en partie ses difficultés de recrutement. Bien sûr que non, m’ont-ils dit.

Deuxième essai de ma part, se pourrait-il que le gros problème de la Ville ne soit pas tant un problème de salaires compétitifs qu’un problème de réputation au sein du monde municipal? Que la Ville de Saint-Hyacinthe soit perçue comme étant un employeur contrôlant pour les cadres, un milieu où ils n’ont aucune latitude compte tenu du micromanagement pratiqué par la direction générale?

Mme Frigon s’est défendue en disant que certains employés qui ont quitté la Ville ont pu colporter à tort des ragots, mais que chaque départ pouvait s’expliquer. Elle se dit d’ailleurs convaincue que l’indice du bonheur des employés de la Ville est plus élevé que jamais.

Imaginez ce que ce sera après le 1er janvier prochain. Il sera à un niveau carrément indécent.

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