« J’ai tout essayé, lance Mme Lapointe, au bout de ses ressources. Il n’y a aucune ouverture [de la part de la Fabrique] à trouver un arrangement. Notre avocat a essayé, réessayé et réessayé. Ils reprennent le terrain et la maison. Ça n’a aucun sens. »
Propriétaire de la maison depuis une quarantaine d’années, elle a été informée à la fin juin qu’elle devra quitter le terrain au terme du bail. Elle demande un sursis de deux ou trois ans, le temps de terminer les paiements de son hypothèque, puisque sa maison a été refinancée, et de se trouver un logement décent.
« Ces temps-ci, n’essaie pas de te trouver un logement. Il n’y en a pas à moins de payer un prix exorbitant. Même avec nos deux pensions de vieillesse, on n’y arrive pas », déplore la septuagénaire.
Dans la lettre remise par huissier en juin, l’avocat représentant la Fabrique affirme que celle-ci n’a aucune intention de renouveler le bail emphytéotique ni de céder les droits ou de les offrir à un tiers. « À partir du 3 novembre, la Fabrique deviendra propriétaire à part entière de l’immeuble », peut-on lire.
L’avocat Christopher Atchison a accepté de répondre à quelques questions du COURRIER au nom de la Fabrique. « D’un point de vue juridique, [M. St-Onge et Mme Lapointe] n’ont pas plus le droit de rester à cet endroit-là que vous et moi à partir de la fin du bail. Le fait que ma cliente a une vocation religieuse ne signifie pas qu’elle doit tout accepter sur la base de la foi chrétienne », répond-il.
L’avocat ajoute d’ailleurs comprendre que les temps sont difficiles pour se reloger. « On a quand même dit que s’ils avaient quelque chose à proposer, on était prêt à écouter et à entendre, ajoute Me Atchison. Je n’ai pas eu de nouvelle. S’ils ont une proposition à nous faire, on va l’écouter et on prendra position à ce moment-là. »
Il nous a été impossible de connaître les intentions de la Fabrique sur ce qu’il adviendra du terrain.
Un bail déchiffrable?
Lorsque Mme Lapointe et son mari ont acheté la maison en 1980, ils avaient été informés de l’existence du bail, mais sans obtenir plus de détails, dit-elle. À l’époque, le notaire ne leur aurait pas transmis le document légal. Le couple louait le terrain au coût de 15 $ par année, soit le loyer déterminé dans le bail signé en 1925 entre la Fabrique et le premier locataire.
« À l’époque, on savait qu’il y avait un bail emphytéotique. Notre notaire avait dit qu’il y avait un bail et qu’il continuait. C’est les seules informations qu’on a eues il y a près de 45 ans. Je n’ai jamais vu le bail avant les échanges entre les avocats. Le bail n’a jamais été rouvert ni mis à jour. Si j’avais su, est-ce que j’aurais laissé ça aller? », poursuit-elle.
Mme Lapointe affirme avoir reçu un document qui serait le bail original lorsque le dossier a été discuté entre avocats. Ce document, écrit à la main, en lettres attachées, est difficilement lisible.
« Je ne sais pas si on parle du même document, mentionne Me Atchison. Il y a plusieurs documents pertinents. On a passé à travers et on est très confiants de notre position juridique. »
Une chose est certaine, Mme Lapointe n’a pas l’intention de quitter les lieux le 2 novembre. Elle n’a pas fait de boîte ni déménagé ses affaires. « On ne se prépare pas à partir. Ils vont sûrement nous envoyer un avis d’éviction, mais on va contester. On veut se rendre devant un juge. Je n’ai pas l’intention de partir le 2 novembre », conclut-elle.