9 novembre 2023 - 03:00
La fin du Publisac
Rien à célébrer
Par: Martin Bourassa

Désolé, mais je n’ai pas trop le cœur à parler d’autre chose que des malheurs qui frappent le métier que j’ai choisi et que je pratique encore avec fougue et passion depuis presque 32 ans, même si plusieurs me pensent encore tout jeune.

Ces malheurs sont nombreux et ne donnent pas de répit à ses artisans et encore moins aux propriétaires des médias d’information. De Pierre Karl Péladeau à Benoit Chartier, mon éditeur et boss adoré, même combat dans le fond.

Je vous en parle même si j’ai parfois l’impression de radoter ou que ce que je vous raconte sur les difficultés des médias vous passe 100 pieds par-dessus la tête. Sachez que votre indifférence me désole au plus haut point. Je n’ose imaginer un monde sans journalistes, sans chiens de garde de la démocratie. Je ne veux pas voir ça.

La dernière semaine a été particulièrement éprouvante dans le merveilleux monde des médias québécois. Elle a commencé avec l’annonce de l’amputation du tiers des effectifs des Coops de l’information, nées des anciens quotidiens régionaux dont La Tribune à Sherbrooke, Le Nouvelliste à Trois-Rivières et La Voix de l’Est à Granby. La grande faucheuse a pris la forme d’un programme de départs volontaires qui a intéressé pas moins de 125 employés, dont semble-t-il une bonne vingtaine de journalistes. Les Coops abandonneront le papier à la fin de l’année pour devenir des médias exclusivement numériques. Il est permis de leur souhaiter bonne chance.

La semaine noire ne faisait que commencer. Jeudi dernier, Pierre Karl Péladeau a sorti la tronçonneuse pour amputer Groupe TVA de 547 postes à Montréal et dans les régions. Une nouvelle qui a fait grand bruit, et pour cause. Il s’agit d’une restructuration des ligues majeures qui a été décrite comme un véritable tsunami.

Nous n’avions pas encore tout à fait mesurer l’ampleur de cette annonce qu’un coup d’assommoir plus subtil, mais non moins lourd de conséquences a frappé la presse hebdomadaire, moins de 24 heures plus tard. À la surprise générale, TC Transcontinental a annoncé la disparition, d’ici le printemps prochain, de son populaire Publisac.

Les hebdomadaires gratuits comme Le Clairon de Saint-Hyacinthe perdront la courroie de transmission qui leur assurait un accès privilégié et économique à toutes les portes de leur territoire chaque semaine. Les éditeurs d’hebdos comme le mien avaient autant besoin de ça que d’un bon coup de batte de baseball en plein front. N’en jetez plus, la cour des mauvaises nouvelles est pleine, archi pleine. Dire que mon patron était encore sous le charme du lancement récent de son COURRIER numérique. Méchante claque!

Oui, il s’agit d’un autre coup dur à encaisser pour des gens qui ont vu leurs revenus fondre comme neige au soleil avec l’apparition et la concurrence déloyale des géants du Web. Le blocage de nouvelles par Meta au canada n’aide pas plus. On ne sait d’ailleurs toujours pas de quelle façon se terminera le bras de fer entre Ottawa et Meta.

À quelques semaines de l’entrée en vigueur de la Loi C-18 qui vise à obliger les géants du Web à verser des redevances aux médias dont les contenus sont partagés sur leurs plateformes, tout le monde retient son souffle.

Les éditeurs d’hebdos qui attendaient le dénouement de cette saga politique ont désormais des problèmes de distribution plus urgents à régler.

Avis aussi aux écolos qui pavoisent, la disparition du Publisac ne sonne pas le glas des circulaires. Inutile de sabrer le champagne. Ils prendront une autre forme et arriveront encore à votre porte chaque semaine. Ils vous arriveront par l’entremise du facteur de Postes Canada et rien ne peut l’empêcher. Même pas la mairesse de Montréal, Valérie Plante, elle qui a précipité la mort du Publisac et provoqué tout le beau gâchis qui vient avec.

Advenant la disparition d’hebdos, la mise à pied de journalistes ou la fermeture de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe, elle aura beaucoup de sang sur les mains, pour reprendre la formule-choc de mon patron. Souhaitons que les gouvernements donnent suite rapidement aux demandes des éditeurs qui réclament le déploiement de mesures d’aide concrètes et sonnantes pour poursuivre leur mission efficacement. Le feu est pris et c’est notre démocratie qui risque d’y passer si rien n’est fait à très court terme.

Comme le dit si bien mon patron, les gouvernements doivent maintenant se lever. Le message est passé.

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