14 mars 2024 - 03:00
Mission Unitaînés
Éloge et… critique?
Par: Martin Bourassa
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

Faire l’unanimité en 2024 n’est pas donné à tout le monde ni à tous les projets. On dirait qu’il se trouve toujours quelqu’un quelque part pour critiquer, rouspéter ou nuancer, même à travers un concert d’éloges. On en a eu la preuve avec la présentation du projet Mission Unitaînés à Saint-Hyacinthe.

Pour rappel, sachez que Saint-Hyacinthe fait partie des dix municipalités qui auront la chance, oui la chance, d’accueillir l’un des 10 immeubles en tout point identiques de 100 appartements chacun destiné aux aînés à faible revenu.

Du logement abordable mur à mur garanti avec un loyer mensuel sous la barre des 600 $ pour un studio et 900 $ pour un logement deux chambres, chauffage, électricité et Internet inclus. C’est quelque chose de réaliser qu’un appartement 4 et demie étiqueté « abordable » sera offert autour de 1000 $ par mois dans deux ans, mais on ne crachera pas là- dessus à la Ville de Saint-Hyacinthe. C’est inespéré, sérieux et en prime porté par un esprit de bienveillance.

Il s’agit d’un concept philanthropique élaboré et développé par Luc Maurice, le richissime fondateur du Groupe Maurice, connu pour ses résidences pour personnes âgées. L’une de ses plus récentes réalisations, la résidence Cibèle de 362 appartements sur 14 étages, est en voie d’être complétée sur le boulevard Casavant. Si cette dernière ne rime pas forcément avec logement abordable, il est permis de penser que sans la présence du Cibèle, jamais nous n’aurions été ciblés par la Mission Unitaînés. Nul doute que le canal de communication établi entre la Ville et le promoteur pour le développement du complexe en construction a facilité les pourparlers.

Au point de convaincre la Ville de céder gratuitement le terrain de l’ancien Pavillon Desjardins de la Médiathèque maskoutaine et d’assumer les coûts de raccordement de l’immeuble. La contribution municipale est estimée à 3,5 M$ sur un projet total de 23,5 M$. La construction du complexe Unitaînés, dont la mise en chantier débutera le mois prochain, devrait durer deux ans. Et il aura comme voisin immédiat un autre complexe de 79 unités de logement abordable dont la construction était prévue pour cette année dans l’ancien pavillon principal de la Médiathèque. On apprend entre les branches que ce projet piloté depuis 2021 par Habitations Maska devrait débloquer prochainement. Autre bonne nouvelle.

Mais revenons à nos moutons. En voulant apporter une partie de réponse rapide à un problème de société urgent et qui prend de l’ampleur, Mission Unitaînés sort des sentiers battus. Un peu trop au goût du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), un regroupement national pour le droit au logement, dont la priorité d’action est le logement social. L’organisme n’a pas tardé à exprimer des réserves, même que son communiqué nous est arrivé plus rapidement que celui de la Ville de Saint-Hyacinthe se félicitant de ce partenariat.

Dans sa critique émanant du champ gauche, le FRAPRU émet des mises en garde. Selon le regroupement, compter sur de tels partenariats publics-privés pour réaliser et financer des logements sociaux comporte « plusieurs dangers ».

Il craint que cette façon de faire serve de modèle à suivre. « Veut-on réellement se rendre dépendant du bon vouloir des philanthropes pour financer un programme social, surtout si c’est pour loger décemment les aînés les plus pauvres? » demande le regroupement, tout en convenant que la cession de 1000 logements pour du logement social à des offices et des OSBL d’habitation est une bonne nouvelle.

Le FRAPRU estime que ce sont plutôt des programmes gouvernementaux dédiés au logement social et financés adéquatement, dont un programme de logements publics et des objectifs clairs de développement, qui s’imposent pour s’attaquer au problème de la pénurie persistante de logements sociaux.

Mais quand je regarde le budget du Québec et l’état des finances publiques, je me dis que nos gouvernements n’y arriveront pas seuls. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il faudra construire plus d’un million de logements d’ici 2030 pour ramener un semblant d’abordabilité dans le marché locatif au Québec. Toute aide extérieure est donc la bienvenue, surtout si elle vient avec de nobles intentions. Les philanthropes comme Luc Maurice, il faudrait en cloner. Pas les écœurer.

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