Aujourd’hui, jeunes, moins jeunes et familles peuvent se retrouver sans logement, tandis que des travailleurs dorment dans leur voiture et des femmes enceintes sont à la rue. Il n’est pas rare de voir des villes et villages être occupés par des campements de tentes. La crise est double, touchant tant l’accessibilité par le manque de logements disponibles que l’abordabilité à cause des prix de plus en plus exorbitants. Les principales victimes? Celles qui vivaient déjà la précarité avant la pandémie.
L’origine de la crise
Dans les années 90, Ottawa s’est désengagée financièrement d’un marché qui repose encore trop sur les promoteurs privés, et pas assez sur les organismes communautaires, coopératives d’habitation et OBNL qui connaissent véritablement les besoins des communautés touchées. Désengagement fédéral en matière de logement, financiarisation, hausse des taux d’intérêt freinant les mises en chantier, pénurie de main-d’œuvre, inflation, délais de construction, complexité abusive des programmes, locations à court terme (Airbnb et autres), hausses abusives de loyer, rénovictions : la coupe est pleine! Il importe de rompre avec une certaine vision du logement, perçu comme un bien spéculatif pour s’en mettre plein les poches.
Si on se fie aux données rendues publiques par le FRAPRU en 2014, 65 000 logements sociaux non construits auraient pu l’être sans les coupes fédérales depuis les années 90. Au Canada, la proportion de logements sociaux frise les 5 %, contre entre 20 et 30 % dans certains pays d’Europe!
Ottawa a annoncé en 2017 une Stratégie nationale sur le logement dans le but d’améliorer l’accès à un logement sûr et abordable pour tous. Force est de conclure en son échec.
Des solutions
Quand Ottawa se réveille et tente de se réengager dans un domaine après 30 ans de laxisme, son réflexe premier est généralement de vouloir imposer des conditions et de multiplier ses intrusions tentaculaires dans des domaines qui ne relèvent pas de ses responsabilités. Or, on ne souhaite certainement pas que le dossier du logement soit traité comme Ottawa traite les frontières ou les passeports.
De vraies solutions peuvent cependant être mises en place, en attendant la nécessaire indépendance du Québec :
1) Augmentation du financement dédié au logement social et communautaire;
2) Simplification des programmes et l’arrimage avec les programmes du Québec;
3) Poursuite d’un objectif de 20 % des logements sociaux et communautaires;
4) Mise en place d’un fonds d’acquisition pour le secteur social et communautaire;
5) Réduction des taux d’intérêt pour la construction de logements sociaux et abordables pour les personnes à faible revenu;
6) Création d’un programme de prêts à bas taux pour les premiers acheteurs;
7) Mise en place d’actions concrètes pour contrer la financiarisation (faire en sorte que les logements ne soient plus l’objet de spéculation);
8) Redéfinition du terme « abordable » dans les programmes qui répond aux besoins des ménages et des différentes régions du Québec;
9) Renforcement de la loi « anti-flip » en augmentant à deux ans ou plus la période pendant laquelle un propriétaire doit conserver sa maison ou ses propriétés pour bénéficier de l’exemption de gains en capital sur les profits de la vente, sauf exceptions;
10) Augmentation et indexation du seuil des coûts de rénovation permis par porte pour les HLM sous convention;
11) Accessibilité accrue de terrains et de bâtiments dans le programme des terrains fédéraux;
12) Augmentation, pérennisation et indexation du financement en itinérance.
Ces propositions, loin d’être exhaustives, se veulent à tout le moins les premières pierres à un édifice. Le droit à un toit, à coût abordable et dans des conditions décentes, est fondamental.
Simon-Pierre Savard-Tremblay, député de Saint-Hyacinthe–Bagot, Bloc québécois