Dans cet article, c’est du monastère de Rome dont il sera question où les Adoratrices du Précieux-Sang ont subi les affres de la Deuxième Guerre mondiale et participé au sauvetage de victimes, dont plusieurs Juifs, venus se réfugier entre les murs sécuritaires du monastère.

En 1924, Gabriel Godbout, un jeune franciscain du collège Saint-Antoine-de-Rome, reçoit de sa grande sœur, sœur Claire-de-Marie, des Adoratrices du Précieux-Sang en Oregon, un exemplaire du livre Histoire de Mère Catherine-Aurélie du Précieux-Sang. Il s’empresse de le faire relier dans le but de le présenter au cardinal Giorgi. Frère Godbout fait part de ce projet au révérend Giuseppe Ercole.

L’idée d’établir une communauté de religieuses contemplatives dans sa paroisse romaine germe dans son esprit à partir de ce moment. La décision est prise rapidement : le révérend Ercole prend à sa charge toute l’organisation pour faire venir les Sœurs Adoratrices du Précieux-Sang à Rome.

Cette communauté religieuse étant d’origine maskoutaine, l’évêque du diocèse de Saint-Hyacinthe a son mot à dire. Évidemment, il donne son consentement avec bonheur. Quel représentant de l’Église catholique ne serait pas honoré de participer à l’établissement d’une communauté religieuse à Rome, la Ville éternelle abritant le siège de la papauté?

Le monastère est fondé précisément le 30 avril 1925. Il est situé au cœur de Rome, au 11 Via Francesco Domenico Guerrazzi. Ainsi, comme le souhaitait ardemment sa fondatrice, l’œuvre de mère Catherine-Aurélie se développe en se dotant d’un nouveau monastère, pour la gloire du sang de Jésus.

En 1939, la guerre éclate en Europe. L’Italie rejoint les puissances de l’Axe en 1940. Il faut savoir que malgré leur isolement du monde extérieur, les Adoratrices du Précieux-Sang avaient pour habitude d’héberger, dans chacun de leur monastère, des dames pensionnaires pour des périodes plus ou moins longues. Malgré le rationnement alimentaire, les Adoratrices continuent d’accueillir ces pensionnaires. En date du 11 décembre 1941, il est rapporté dans les annales de la communauté à Rome que de nouvelles chambres de pension sont aménagées à l’étage du monastère et qu’une pensionnaire allemande s’y installe, y rejoignant ainsi une vingtaine d’autres.

La vie au monastère est certes perturbée au début de la guerre par le rationnement et les alertes, les religieuses subissent 92 alertes de 1940 à 1943. Cependant, lorsque commence l’occupation allemande en 1943, la situation s’aggrave. Il règne à Rome une atmosphère de misère et de violence. Les religieuses sont effrayées par les bombardements.

Dans les annales de la communauté, il est raconté : « C’était terrifiant d’entendre les canons et les mitrailleuses jour et nuit. D’heure en heure, le feu s’approchait et les projectiles pleuvaient sur la ville avec un sifflement sinistre. […] Plusieurs maisons autour de nous ont été percutées par les projectiles. » De plus en plus de gens en fuite, des Juifs romains et des réfugiés politiques, frappent aux portes du monastère dans le but d’y obtenir refuge. La situation est à ce point critique que les Adoratrices demandent au pape que le monastère obtienne le statut de « propriété du Saint-Siège ». La requête est acceptée par le Vatican le 18 octobre 1943.

Par Anne-Sophie Robert, membre du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe