Si cela a pris quelques années pour apprivoiser les installations, l’équipe peut maintenant se concentrer à optimiser la production. Il faut oublier les objectifs de rendement et de rentabilité qui avaient été présentés à l’ouverture de l’usine de biométhanisation en 2017. À l’époque, on espérait produire près de 13 millions de mètres cubes de gaz renouvelable par année. En 2023, l’usine a injecté 4,7 millions de mètres cubes de biométhane dans le réseau Énergir, ce qui représente la consommation annuelle moyenne d’environ 2500 maisons.
« On se rend compte que certaines choses fonctionnent différemment. On produit pas mal au maximum de ce qu’on peut. En ce moment, on peut dire qu’il y a des goulots d’étranglement. On a des équipements qui devront être changés si on veut augmenter la production », explique la coordonnatrice de la qualité et de l’optimisation des processus, Catherine Daniel.
L’objectif de 13 millions de mètres cubes de biométhane équivalait à la capacité des deux purificateurs s’ils fonctionnaient en même temps. À l’heure actuelle, ils sont plutôt utilisés en alternance. « Ils sont en place, mais on ne peut pas les utiliser en même temps parce qu’il y a d’autres choses en amont qu’il faudrait optimiser », poursuit-elle.
L’équipe travaille plutôt à mieux identifier les intrants ayant un fort potentiel méthanogène. L’idée est donc de miser sur la qualité des intrants au lieu de la quantité. Suffisamment d’entreprises font appel au Centre de valorisation de la matière organique (CVMO) pour disposer de leur matière organique pour qu’on ait le luxe de les choisir, assure la coordonnatrice.
Le CVMO a reçu 5983 citernes de matières organiques liquides (178 631 mètres cubes) et 1888 camions de matières organiques solides (12 182 mètres cubes) en 2023.
L’équipe s’est fixé plusieurs objectifs d’optimisation, dont l’amélioration de la qualité du digestat, la mise en place d’une maintenance préventive et le développement de technologies. Entre autres, des efforts sont mis en place afin de réduire les bris d’équipement qui causent l’arrêt de production. La technologie est originaire d’Allemagne et n’est pas adoptée aux périodes de grand froid.
« On est fiers de dire qu’on a produit du gaz en janvier et en février cette année, affirme le surintendant des activités de traitement des eaux usées, de biométhanisation et de valorisation, Guy Nadeau. On a effectué des correctifs à l’automne. Lorsqu’il y avait des bris, c’était du temps perdu. L’an passé, on n’a pas produit de gaz en janvier et en février, mais on a quand même atteint nos objectifs en matière de revenus. Au lieu de réagir en cas d’imprévus, on planifie maintenant des travaux préventifs. On bâtit notre expertise. »
Sur un total de huit, deux digesteurs ont été mis en arrêt en 2022, mais un seul a été remis en fonction depuis, soit en juin dernier. Le second digesteur devrait être remis en marche en 2025.
Et la rentabilité?
Pour l’année 2023, la filière de biométhanisation a atteint la rentabilité en dégageant un excédent de 250 000 $. Pour l’année en cours, la Ville espère générer près de 5 000 000 $ en revenus. Les dépenses sont toutefois estimées à 5 557 653 $, ce qui porterait le déficit à 557 653 $. Notons que ce budget exclut l’enveloppe budgétaire liée à la gestion des bacs bruns. À ce jour, la dette liée à l’usine de biométhanisation se situe à 13 M$.
« Chaque année, le capital et les intérêts diminuent. Juste avec ça, on va devenir rentable à court terme. En parallèle, on travaille à l’amélioration des intrants, à augmenter la vente de gaz et à réduire les arrêts de production causés par les bris d’équipement. On est à 550 000 $ de pertes par année, c’est assez facile à corriger », assure le directeur de la gestion des eaux usées et de la biométhanisation, Jean-François Sornin.
Le directeur général adjoint de la Ville de Saint-Hyacinthe, Charles Laliberté, tient à préciser que la Ville devrait tout de même débourser pour envoyer ses boues municipales à l’enfouissement si elle n’avait pas cette usine pour les éliminer. Cela représenterait une dépense de 2,5 M$. Grâce à l’usine de biométhanisation, les boues sont valorisées. « Est-ce que c’est réellement déficitaire quand on met ça en perspective? On devrait de toute façon payer pour se débarrasser des boues municipales. »
Digestat : retour à la normale
Le nombre d’entreprises agricoles qui acceptent de recevoir le digestat n’est plus un enjeu, assure Catherine Daniel. « On a beaucoup de champs. À la limite, on n’a pas assez de digestat. »
À la fin 2022, deux reportages diffusés à Radio-Canada remettaient en question l’utilisation de digestat comme fertilisant dans les champs. Plusieurs agriculteurs avaient alors annulé leurs commandes. La Ville avait dû débourser plus de 750 000 $, en dépense supplémentaire, pour se débarrasser du digestat. Entre autres, Englobe Environnement, l’entreprise ayant le contrat d’éliminer la matière, avait envoyé le digestat à l’un de ses sites à Saint-Henri-de-Lévis, soit à plus de 200 km de l’usine de biométhanisation maskoutaine. Il a aussi fallu recourir au compostage en 2023, mais jamais à l’enfouissement.
L’automne dernier, Saint-Hyacinthe a renouvelé son contrat avec Englobe Environnement. Elle a profité de l’occasion pour donner des directives advenant la nécessité d’envoyer le digestat à l’enfouissement en dernier recours. L’entreprise pourrait envoyer à l’enfouissement jusqu’à un maximum de 1200 tonnes métriques, mais seulement avec l’autorisation du directeur de la gestion des eaux usées et de la biométhanisation. L’administration n’a pas besoin d’une nouvelle résolution, adoptée par les élus, pour autoriser l’enfouissement.
« On n’est jamais allé à l’enfouissement et je ne crois pas qu’on va y aller », soutient Catherine Daniel.
En 2023, Englobe Environnement a pu valoriser 25 087 tonnes métriques de digestat dans les champs.
Un des éléments qui inquiétaient les agriculteurs était la présence de particules de plastique dans le digestat. Les emballages de plastique de yogourt s’égrenaient dans le broyeur installé au CVMO et traversaient ainsi les tamis. On retrouvait donc des particules de plastique dans le digestat; des images diffusées par Radio-Canada qui ont marqué les esprits.
Au lieu d’investir massivement dans l’achat d’une machine permettant de retirer les plastiques rigides, la Ville de Saint-Hyacinthe a tout simplement arrêté de recevoir ce type d’intrant. La quantité d’intrants n’était pas suffisante pour justifier une telle dépense, explique-t-on.