Les bureaucrates et les gens de terrain ne vivent pas dans le même monde. Il y a bien quelques acteurs qui circulent entre les deux et qui encaissent les frustrations des uns et des autres, mais les directives de la hiérarchie sont comme un paquebot qui met des milles à changer de cap.
Il y a deux réalités, même au niveau des cultivateurs, puisqu’il y a ceux qui sont en amont du bassin et ceux qui côtoient les rivières. Ceux qui sont en amont ont de belles terres droites et plates, mais qui ont besoin de fossés bien aiguisés pour faire sortir l’eau. Cette eau va faire gonfler la rivière qui, elle, déborde sur les terres qui la côtoient. Quand la rivière monte de plus de trois mètres, elle nuit aussi à l’écoulement des fossés en amont… et finalement, on est tous dans le même bateau!
Les bandes riveraines offrent une certaine rétention aux pluies normales et stabilisent les berges pour éviter qu’il y ait trop d’érosion hydrique, elles abritent une biodiversité différente de celle des champs, aident les insectes prédateurs à passer l’hiver ainsi que les pollinisateurs (à condition de ne pas faucher à répétition), aident à contrer l’érosion éolienne et servent de corridors fauniques.
Ceci dit, quand elles sont saturées en eau et que le champ l’est aussi, l’eau la traverse, bien souvent chargée de fertilisants et de pesticides, on le sait tous. Une des plus belles initiatives des dernières années avec le MAPAQ est sans contre dit la « Caravane santé des sols ». Des agronomes se promènent dans toute la province, ils démontrent avec quelques dispositifs les bienfaits d’un sol bien structuré. Un sol plein de vie qui absorbe l’eau et dont les cultures bénéficient. Un sol compacté et découvert entre les rangs dans un contexte de changements climatiques risque de nous occasionner des problèmes sans fin. Un couvert végétal (intercalaire ou de couverture) est une solution viable et raisonnée pour la santé des sols et ainsi soulager l’évacuation de cette eau vers les fossés.
La compaction de nos terres est un fléau et nuit grandement à la santé du sol. Dites-vous bien que, chaque fois que vous croisez une immense batteuse sur la route, elle contribue à masser le sol parce qu’elle exerce une pression de plus de 3000 kg par roue.
Devant des machines toujours plus grosses, les uns s’emballent, d’autres ragent contre le prix. Pareil pour le prix des fertilisants, ces unités qui voyagent avec l’eau et qui se perdent dans le Saint-Laurent. Et si c’était la pertinence de la décroissance qui sonnait à la porte? Est-ce que l’UPA reconnaîtrait ses signes et la nécessité de repenser les choses?
Pierre Renard, Saint-Pie