Près de sept ans après l’inauguration d’une usine qui devait être une vache à lait en transformant en gaz renouvelable le contenu de nos bacs bruns, nos boues d’épuration et les matières organiques provenant des entreprises agroalimentaires, sa rentabilité laisse à désirer.
Même qu’elle a pris un pas de recul récemment quand la Régie de l’énergie a décidé de sanctionner Énergir en lui ordonnant d’imposer une pénalité de 825 423 $ à son fournisseur, la Ville de Saint-Hyacinthe, pour son incapacité chronique à livrer les volumes de gaz naturel renouvelable attendus au moment convenu. La Ville injecte parfois trop ou pas assez de gaz dans les tuyaux, ce qui provoque des déséquilibres dans le réseau.
Des déséquilibres qui n’ont jamais empêché Énergir de remplir sa mission et qu’elle a toujours excusés, considérant les aléas inhérents à la production de gaz renouvelable.
Des aléas si nombreux, pensons au gel des équipements en hiver ou aux stocks de matières organiques qui fluctuent d’une semaine à l’autre, qu’Énergir n’a jamais fait grand cas des manquements répétés de la Ville à remplir ses obligations contractuelles. Construite pour une capacité de production annuelle de 13 millions de mètres cubes, notre usine fonctionne environ au tiers de sa capacité et n’aspire pas à beaucoup mieux.
La Régie de l’énergie, qui régente le secteur énergétique québécois, n’a pas la même lecture. Elle vient d’exiger qu’Énergir impose à son partenaire les pénalités prévues au contrat, plutôt que de les refiler à l’ensemble de ses clients. Conséquence? Une facture qui frôle le million de dollars pour la Ville.
L’étoile des champions de la biométhanisation, comme le disait la ministre de l’Environnement Isabelle Melançon en janvier 2018 à propos des Maskoutains, ne cesse de pâlir. À l’image de la très pâle performance financière de notre usine qui a dégagé de peine et de misère un premier profit de 250 000 $ l’an dernier (sans tenir compte des factures liées à la gestion des bacs bruns et à la valorisation du digestat, une autre source de mauvaise presse). On se console en répétant que sans l’usine, il faudrait quand même dépenser une couple de millions $ pour traiter nos boues usées.
Il n’en demeure pas moins que pour l’année en cours, on anticipait déjà un déficit d’opérations de 557 000 $, selon le budget 2024. C’était avant que la Régie de l’énergie s’en mêle. Et à la place de la Ville de Saint-Hyacinthe, je ne perdrais pas mon temps avec celle-ci, d’autant plus qu’elle n’a même pas eu l’occasion de plaider sa cause devant cette instance. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on doit comprendre que la Ville a été mise devant le fait accompli par Énergir. Gros, très gros malaise.
Aussi critique que l’on puisse être avec l’usine de biométhanisation, aussi réaliste, faut-il être. Pour reprendre une formule commode, Saint-Hyacinthe a construit un avion en plein vol avec son usine et elle bâtit encore son expertise dans ce domaine.
Oui, elle a peut-être été trop audacieuse ou mal conseillée ou avisée, mais Énergir était consciente des risques et elle doit assumer sa part de responsabilités. Elle a surtout tout intérêt à ce que d’autres municipalités ou joueurs marchent sur les traces de Saint-Hyacinthe puisqu’elle est tenue par règlement de hausser la quantité de gaz renouvelable dans le réseau à 5 % en 2025.
Énergir doit trouver une façon originale et légale de soustraire les Maskoutains à cette facture surprise qui leur pend au bout du nez et qu’il serait déraisonnable de leur imposer, quoi qu’en pense la Régie de l’énergie. Au pire, s’il n’y a vraiment pas moyen d’y échapper, il revient à Énergir de trouver un moyen de nous rembourser cette pénalité par la bande, sous une forme ou une autre.