Mme Beaudoin l’a bien constaté : une partie de son auditoire reste pantoise devant ce qu’elle vient d’entendre. Un animateur télé comme secrétaire à la Défense, un antivax à la Santé ou encore un ministre de la Justice présumément impliqué dans du trafic sexuel; voici quelques-uns des personnages controversés qui devraient composer le futur Cabinet du 47e président américain.
Le 15 novembre, la Chambre de commerce de la région de Saint-Hyacinthe tenait un dîner-conférence avec Valérie Beaudoin, analyste de la politique américaine et chroniqueuse politique américaine au 98,5 FM. Depuis 2018, elle est également chercheure associée à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. Mme Beaudoin est aussi membre du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval.
Lors de son exposé devant les gens d’affaires de la région, elle a notamment abordé les impacts à prévoir des élections américaines sur notre économie ainsi que sur les échanges commerciaux entre le Québec et les États-Unis.
Victoire sans équivoque
Si Valérie Beaudoin n’est pas surprise outre mesure par l’élection de M. Trump, elle dit avoir sous-estimé l’appui au candidat républicain, qui a facilement remporté le suffrage populaire. Pour elle, l’élection de Donald Trump, le 5 novembre, est principalement attribuable à des raisons économiques. Pour la majorité des Américains, M. Trump était le candidat le plus apte à revigorer l’économie américaine. Mme Beaudoin explique aussi la victoire républicaine par la « mauvaise campagne de Kamala Harris, qui peinait à bien expliquer son programme ».
Ce résultat est un sérieux désaveu envers les démocrates, ajoute Mme Beaudoin. « Ils [les démocrates] ont un examen de conscience à faire. Cette défaite n’est pas seulement celle de Kamala Harris ou de Joe Biden, mais celle du parti démocrate au grand complet. La population américaine n’a pas seulement offert aux républicains les clés de la Maison-Blanche, mais également une majorité au Sénat et à la Chambre des représentants. »
Le Grand Old Party a maintenant les coudées franches pour faire adopter ses politiques conservatrices et M. Trump n’a pas l’intention de s’en priver, selon Valérie Beaudoin.
Nominations controversées
Pour preuve, les nominations controversées de Donald Trump se sont rapidement succédé à la suite de son élection. M. Trump a notamment nommé Elon Musk, fondateur de Tesla et de SpaceX et propriétaire du réseau social X, à la tête d’un ministère nouvellement créé de l’« efficacité gouvernementale ». Le richissime homme d’affaires, qui a financé la campagne du candidat républicain à coup de millions de dollars, aura donc la mission de faire subir un régime minceur à la bureaucratie américaine.
« Elon Musk est pour beaucoup le vrai vice-président de Donald Trump, explique Mme Beaudoin. On l’a vu murmurer à son oreille durant toute la campagne. C’est réellement intrigant de voir le président américain et l’homme le plus riche du monde marcher main dans la main. »
Mentionnons également la nomination de Robert F. Kennedy Jr. comme futur ministre de la Santé. Le neveu du célèbre président démocrate John F. Kennedy, assassiné en 1963, est un complotiste notoire et un antivax assumé.
Mais la palme de la nomination la plus particulière revient à celle de Matt Gaetz, choisi par Donald Trump comme procureur général des États-Unis. Cet élu de la Floride à la Chambre des représentants faisait jusqu’à tout récemment face à une enquête de la commission d’éthique de la Chambre pour des infractions sexuelles présumées avec une jeune fille mineure, la consommation illégale de stupéfiants, le détournement de fonds de campagne et pour diverses autres fautes professionnelles.
« On les a choisis pas pour leur CV, mais pour leur loyauté », selon la politicologue.
Si ces nominations doivent être entérinées par le Congrès et le Sénat (tous deux à majorité républicaine), Valérie Beaudoin mentionne qu’elles ne devraient pas rencontrer une forte opposition puisque de moins en moins d’élus républicains osent s’opposer à Trump.
« Ils [les élus républicains] savent très bien que de parler contre Trump, c’est mettre sa carrière politique en danger de mort. »
Pour le Québec
Les États-Unis étant le plus important partenaire commercial du Canada, l’élection de Donald Trump aura indubitablement des répercussions sur notre économie. Pendant la campagne électorale, le candidat républicain avait promis l’imposition d’un tarif de 10 % pour l’ensemble des importations, ce qui aurait bien certainement des impacts importants de ce côté de la frontière.
Selon Valérie Beaudoin, plusieurs secteurs économiques sont plus à risque d’être victimes du protectionnisme américain, dont ceux du bois d’œuvre, de l’acier et de l’aluminium. L’industrie laitière et l’agriculture devraient également être durement touchées.
En revanche, les secteurs des technologies, de l’automobile et des minéraux critiques pourraient cependant tirer leur épingle du jeu. L’industrie pétrolière devrait aussi connaître un « petit boom », selon la spécialiste.
Mme Beaudoin avait d’ailleurs un conseil pour les entrepreneurs maskoutains. « Vous devriez essayer de faire des affaires avec des acteurs locaux aux États-Unis. Ceux-ci n’ont pas nécessairement les mêmes intérêts financiers que ceux de l’administration Trump. Les Québécois et les Américains vont continuer de faire des affaires. »