Au moment où la désastreuse COP29 a lieu dans l’état pétrolier de l’Azerbaïdjan, nous sommes comblés d’entendre toutes ces belles paroles que nous désirons si ardemment entendre! Malgré la bonne volonté de certains intervenants, le parcours vers cette transition énergétique est parsemé d’embûches.
Malheureusement, les experts en communications des multinationales des énergies utilisent les mots de la transition énergétique comme des pièges à ours pour mousser leurs intérêts au détriment de la population. Ces experts prostituent le sens des mots. Dans mon dictionnaire, la deuxième définition de ce verbe se lit comme suit : « prostituer : 2.litt. avilir par intérêt ». Avec cette désinformation systématique, est-il étonnant que bon nombre de personnes de bonne foi en viennent à perdre leur latin? Pour se protéger de ces attrape-nigauds, il faut apprendre à analyser ce qui n’est pas dit dans chaque situation, car c’est dans le non-dit que se cachent les arnaques!
À titre d’exemple, prenons le mot « renouvelable ». Comme tout le monde veut se l’approprier, les « pimps de l’information » l’utilisent à toutes les sauces. Par exemple, est-ce que faire des coupes à blanc de forêts en Colombie-Britannique pour que la multinationale DRAX produise de « l’électricité renouvelable » en Angleterre est une bonne idée? D’accord, c’est renouvelable, mais il faudra un siècle pour que la forêt se régénère! Entre-temps, nous avons un urgent besoin de ces arbres pour capturer du carbone et fournir des matériaux de construction.
De même, la bioraffinerie de Greenfield Global, à Varennes, produit de l’éthanol « renouvelable » fabriqué avec du maïs-grain pour rendre l’essence plus « verte ». Selon un article du Devoir, si on acceptait la proposition d’ajouter 15 % d’éthanol à l’essence, la quasi-totalité de la production de maïs-grain du Québec serait nécessaire pour produire ce « carburant renouvelable ».
La question qui tue : est-ce que notre agriculture doit nourrir les automobiles ou doit-elle nourrir la population? Reste à savoir si l’empreinte totale de ce « carburant renouvelable » (le labourage, la préparation du sol, l’utilisation d’engrais et de pesticides, la récolte, le séchage, etc.) produit plus de gaz à effet de serre (GES) que son équivalent fossile.
Tout comme M. Savard-Tremblay, je grince des dents lorsque mes impôts servent à payer les 34 milliards de dollars requis pour tripler la capacité de l’oléoduc Trans Mountain. Ce pipeline a un seul but : produire plus de barils de « Western Canadian Select » qui rejetteront des millions de tonnes de GES dans l’atmosphère. Peut-on m’expliquer logiquement comment le fait d’augmenter notre production de GES avec ce pétrole contribuera à « décarboner » notre production d’énergie dans le cadre des changements climatiques?
Alors, comme le suggère la MRC, « causons énergies » en ce début du 21e siècle. Cette conversation doit obligatoirement tenir compte du projet de loi no 69 (PL 69) présenté par le ministre Fitzgibbon et maintenant défendu par la ministre Fréchette. Ce projet de loi est touffu et difficile à comprendre. Si on le simplifie à l’extrême, on peut dire qu’il produira les effets suivants : a) il concentre le pouvoir dans les mains du ministre, ce qui laisse le secteur énergétique dépendre de l’humeur politique du moment; b) il donne le droit de vendre des actifs ou d’avoir un réseau privé, ce qui pourrait constituer un détournement d’actifs qui nous appartiennent vers des compagnies privées; c) il concentrera les activités d’Hydro-Québec sur les terres publiques du nord, tandis que les compagnies privées agiront dans les milieux habités comme sur nos terres agricoles; d) il semble nier l’expertise d’ Hydro-Québec en plus d’obliger celle-ci à acheter « à perte » de l’électricité de ces compagnies privées, ce qui, à moyen terme, hypothéquera la santé financière d’Hydro-Québec; e) chaque éolienne devient une enclave énergétique privée, ce qui est contraire au schéma d’aménagement des municipalités et de la MRC. Dans un mémoire de 25 pages (plus les 4 annexes) présenté à la Commission parlementaire, le CCCPEM a exigé le retrait de ce projet de loi dans sa forme actuelle tout en continuant de réclamer un BAPE générique pour débattre de la transition énergétique.
Au centre-ville de Saint-Hyacinthe, nous avons un symbole d’une politique énergétique éviscérée de son sens premier. La centrale électrique située à l’extrémité du barrage Penman’s a été construite par Boralex durant les années 90, puis a été revendue à la compagnie ontarienne Algonquin Power. […]
En période d’étiage, si la ville a « l’outrecuidance » de demander un peu de respect pour le vivant et le bien commun de ses 60 000 citoyens, cela devient une excuse « légale » parfaite pour ne pas payer de redevances. Pourtant, on a nommé cette centrale « T.-D.-Bouchard » pour honorer la mémoire de ce ministre qui a piloté la loi créant Hydro-Québec et qui est devenu son premier président en avril 1944.
Cette centrale « T.-D.-Bouchard » serait-elle le symbole des absurdités d’une privatisation « à la pièce » que le PL 69 semble proposer? Serait-ce le symbole d’un cheval de Troie qui s’est donné comme mission de revenir au trust de l’électricité des années 1930? Est-ce que l’utilisation erronée du nom de « T.-D.-Bouchard » par une compagnie privée comme Algonquin Power se veut une insulte à la mémoire du père fondateur de la nationalisation de l’électricité?
La notion de développement durable doit nécessairement inclure des composantes économiques, environnementales et sociales. Si on veut réellement « causer éoliennes », cette conversation doit ignorer les slogans faciles des « proxénètes de l’information » et aller au cœur du sujet. Au 21e siècle, l’électricité sera l’énergie primordiale de la transition énergétique. Présentement, sur l’échiquier politique continental, le Québec a « dans sa main » un atout puissant, soit la source d’énergie du siècle à venir. Il faudrait un manque flagrant de sens stratégique pour donner « cette carte » à des compagnies privées comme Algonquin Power, Boralex, Innergex et tutti quanti.
Si nous voulons être véritablement Maîtres chez nous, nous devons nous assurer que le projet de loi no 69 n’inocule pas une mort programmée à notre symbole national. La centrale T-.D.-Bouchard, située au centre-ville, est le symbole d’un slogan émasculé et vidé de son sens véritable. Hydro-Québec ne doit jamais être un partenaire ou un actionnaire d’une compagnie privée : « Maîtres chez nous » veut dire qu’Hydro-Québec est le maître d’œuvre!
Gérard Montpetit, membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM)