Même s’il aimait les voitures et conduire, Sébastien Hamel n’avait absolument rien d’un pilote de course aguerri. Il en était à sa toute première visite à Sanair, selon ses proches. Dans un monde idéal, il ne devait pas prendre part aux essais libres.
Mais on ne vit pas dans un monde idéal. Il s’est retrouvé sur la piste après avoir déboursé quelques dollars et sans doute signé la renonciation obligatoire avant de s’élancer. On connaît la suite. Il y a désormais une croix plantée à proximité du circuit pour commémorer sa mémoire.
« Les fameux drags du vendredi soir à Sanair, c’est la place pour avoir du fun sur une piste d’accélération sécuritaire, peut-on lire sur le site Internet de Sanair. Ouvert à tous, 14 ans et plus peuvent aller sur la piste. Les motos ne sont pas admises. Admission 10 $, inscription 5 $. »
Les enfants de 14 ans et plus peuvent aller sur la piste, même s’ils ne sont pas en âge d’obtenir leur permis pour conduire une voiture sur la voie publique. Comme pour les adeptes de karting. J’ai cherché sur le site Web quelle instance indépendante atteste de la sécurité de la piste. En vain. Et les organisateurs préfèrent limiter leurs commentaires pour l’instant. Je respecte cela.
L’ancien gestionnaire du site, Jacques Guertin, décédé en mai dernier, n’est plus là non plus pour nous rappeler que le dénominateur commun à tous les accidents qui surviennent sur la piste est un problème de témérité ou d’inexpérience qui se situe généralement entre le siège et le guidon de la moto, ou entre le siège et le volant du véhicule dans le cas présent.
C’est ce qu’il avait dit au COURRIER en février 2001, en préambule des audiences de la coroner Andrée Kronström, chargée de l’enquête publique sur trois décès survenus entre 1999 et 2001 lors d’essais libres à moto à Sanair. Une explication qu’il avait faite sienne et reprise au gré des incidents au fil des ans.
Un quatrième décès de motocycliste s’était ajouté en août 2005; puis un cinquième en août 2023, selon nos archives.
Sans présumer du résultat des enquêtes et expertises en cours, on comprendra que dans le cas qui nous occupe, il n’y avait personne à Sanair ce fameux vendredi soir pour protéger Sébastien contre lui-même, même s’il était un adulte responsable et consentant. Il n’a pas eu de fun très longtemps en tout cas.
Ces enquêtes, qu’elles soient policières ou des coroners, tournent souvent en rond, comme sur un triovale. On classe ces morts dans la colonne des décès accidentels, sans trop se soucier de savoir si ces accidents auraient pu être évités et comment. Les activités à Sanair échappent au contrôle de la Société d’assurance automobile du Québec, du Secrétariat au loisir et au sport et du ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport qui, selon la Loi, est chargé de veiller à ce que la sécurité et l’intégrité des personnes dans les loisirs et les sports soient assurées.
L’absence d’encadrement autour de la pratique des essais libres à Sanair est justement ce qu’avait entre autres dénoncé la coroner Kronström dans son rapport.
Les décès lors d’essais libres en voiture sont rares, mais de toute évidence possibles. Et sauf erreur, Québec n’a pas fait grand-chose pour répondre à la recommandation de la coroner Kronström de baliser la pratique des essais libres sur des circuits privés comme Sanair. Le gouvernement a cependant cru utile d’éclaircir une zone grise en modifiant le régime d’assurance de la SAAQ.
L’indemnisation pour dommages physiques ou psychologiques est désormais exclue pour les accidents qui surviennent dans le cadre d’une course, d’une compétition ou d’un essai libre. La famille Houle, dont son frère jumeau Alex, blessé lors de l’accident, n’aura droit à aucune indemnité de la SAAQ.
Et à ceux et celles, et il y en aura, qui me prêteront l’intention de faire fermer Sanair, sachez que vous êtes dans l’erreur. Je n’ai pas cette prétention ni ce pouvoir. Comme me l’avait confié Jacques Guertin lors de la publication du rapport Kronström à l’été 2001 : « Sanair résiste à tout ».
Oui, Sanair résiste même aux décès et à la mauvaise publicité. Le fun d’abord…


