À l’évidence, les choses ont changé. Les employés ont obtenu le droit d’association. Le droit de négocier et de faire la grève a été accordé, au Québec, par le Code du travail en 1964. La Cour suprême ne l’a reconnu comme constitutionnel qu’en 2015. Pour renforcer le droit de grève, le Québec a adopté une loi anti-briseurs de grève en 1977. Le fédéral n’a suivi qu’en 2024. Le gouvernement du Québec a aussi accordé des conditions minimales, même aux non-syndiqués, par la loi sur les Normes du travail, en 1980.
Nous sommes donc loin des conditions de travail du 19e ou du début du 20e siècle. À cette époque, la grève touchait essentiellement des entreprises privées, manufacturières, et se voulait une pression économique sur les propriétaires qui, privés de production, ne pouvaient vendre. Depuis la Révolution tranquille, l’État, sous toutes ses formes, est devenu un employeur important qui rend des services à la population. L’État n’est pas une entreprise à but lucratif et tire ses revenus principalement des taxes et impôts. Pour ses employés, les droits d’association, de négociation et de grève doivent demeurer, mais les conditions d’exercice des deux derniers devraient être revues et corrigées.
Pour le droit de négocier, lorsque les conventions collectives tenaient sur quelques pages, la période de 60 jours de la fin de la convention collective et qui marquait le début légal de la période de négociation pouvait convenir. Certaines conventions comportent plus de 100 pages, des milliers de clauses. Si on veut des conventions signées avant l’expiration de celle à remplacer, il faudrait, à mon avis, commencer à négocier peut-être 6 mois avant cette expiration. Et il faudrait vraiment commencer à négocier dès lors. Donc, à cette date, les deux parties, au public ou au privé, devraient arriver avec leurs demandes et il devrait y avoir des rencontres statutaires. Si la convention n’est pas signée à la date prévue, le ministère du Travail devrait désigner un conciliateur qui aurait un mois pour tenter d’en arriver à une entente. Si on est alors en voie de règlement, il pourrait y avoir prolongation. Sinon, chaque partie pourrait exercer des moyens de pression. On pourrait aussi aller en médiation ou en arbitrage. Le gouvernement devrait envisager de modifier les procédures actuelles pour adopter l’arbitrage de dernière offre globale où l’arbitre doit choisir la totalité de la dernière proposition écrite du syndicat ou de l’employeur. On éviterait ainsi les résistances inutiles sur tout ce qui n’est pas considéré comme essentiel.
Au secteur public, comme il n’y a souvent pas ou peu de concurrence, le droit de grève ne peut pas être illimité. La notion de services essentiels doit être étendue, comme le démontre la situation actuelle dans le transport en commun à Montréal. Comme je ne suis pas un spécialiste, même si j’ai négocié comme patron et syndiqué (dans cet ordre), je vais laisser à d’autres les recommandations. Pour éviter un trop grand nombre de grèves, je suggérerais d’harmoniser les dates de négociation quand il y a plusieurs syndicats chez un même employeur.
Denis Poitras, Saint-Hyacinthe