Selon la Loi sur les fabriques, une église appartient à la fabrique d’une paroisse qui est gérée par des paroissiens qui en administrent les biens. C’est une propriété privée. En cas de dissolution de la paroisse, l’argent recueilli lors de la vente accompagne les paroissiens vers la nouvelle paroisse d’accueil. Sachant ceci, il est difficile d’arriver à la conclusion que les églises appartiennent à tous les citoyens de Saint-Hyacinthe et que la Ville en est le dépositaire. Difficile d’être d’accord avec l’auteur de cet éditorial qui affirme : « On ne devrait pas laisser à cinq ou six paroissiens regroupés au sein du conseil de fabrique, ni même à un seul évêque, le soin de décider quelle église doit être sauvée ou sacrifiée, en fonction des finances des paroisses respectives. » C’est au conseil de fabrique de décider.
J’imagine que la Ville avait en tête cette théorie voulant que les églises appartiennent à la communauté lorsqu’elle annonçait dans son communiqué du 17 novembre 2023 une « entente conclue entre la Ville et la fabrique de la paroisse Saint-Joseph ». Cependant, l’annonce de cette « entente » était aussi prématurée que maladroite. En agissant de la sorte, même si ce n’était pas son intention, la Ville a inutilement insécurisé des paroissiens âgés qui sont profondément attachés à leur église et qui vivent très mal la perspective de s’en départir.
On y mentionnait aussi l’intérêt de la Ville pour la sauvegarde du patrimoine culturel comme motivation : « Faisant partie intégrante du tissu urbain de Saint-Hyacinthe, les grandes propriétés à caractère institutionnel qui se démarquent par leur aspect monumental et par une implantation sur des terrains aux superficies généreuses sont protégées. » Pourtant, quelques lignes plus loin, on y indiquait que « l’église et le presbytère seront démolis ». Trouvez l’erreur…
Est-ce que l’obligation gouvernementale qui force une Ville à fournir un terrain à un centre de services scolaire (pour construire une nouvelle école) n’est pas en soi une autre très bonne motivation?
Parlant d’achat de terrain, souvenons-nous que la loi accorde aux municipalités un droit de préemption qui leur permet d’acquérir des biens à des fins municipales. Ce droit leur permet de court-circuiter le processus de l’offre et de la demande. Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable que les villes, qui décident de se prévaloir de ce droit, acceptent de payer le juste prix (prix du marché) et non celui de la valeur de l’évaluation municipale?
Les anglophones ont une expression adorable pour qu’une négociation soit fructueuse : « It takes two to tango ». La Ville a besoin d’un emplacement pour une école et, contrairement à ce que certains pourraient penser, les paroissiens de Saint-Joseph ne sont certainement pas contre le projet d’une école sur leur terrain. Par contre, j’imagine qu’ils désirent qu’on les respecte dans ce processus en évitant de les bousculer. Tout comme le suggère Martin Bourassa, je crois qu’il faut qu’un véritable dialogue de bonne foi et respectueux s’engage en gardant en tête les pouvoirs que les diverses lois accordent aux deux parties. Le dialogue est toujours l’avenue à privilégier. À titre d’acheteur, la Ville aurait tout intérêt à entretenir un dialogue constructif avec les paroissiens de Saint-Joseph qui sont aussi des citoyens propriétaires.
Jean-Philippe Paradis, Saint-Hyacinthe