26 juillet 2018 - 00:00
Adorables Adoratrices
Par: Martin Bourassa

Voilà c’est fait, une dernière eucharistie a été célébrée dimanche à l’intérieur de la splendide chapelle des Adoratrices du Précieux-Sang, qui est l’un des joyaux les plus précieux de notre patrimoine religieux régional, avec la cathédrale.


Cette chapelle rouge et blanche de la rue Girouard a cependant quelque chose d’encore plus mystique que l’imposante cathédrale. Peut-être dû au fait que cette chapelle est associée à une congrégation religieuse qui l’est tout autant, voire même mystérieuse : les Adoratrices du Précieux-Sang, toute première communauté religieuse contemplative au Canada. Elle a vu le jour à Saint-Hyacinthe en 1861, soit huit ans après Le Courrier de Saint-Hyacinthe, doyen des journaux français d’Amérique. Nos Adoratrices font donc partie de notre histoire.

Mais contrairement aux autres congrégations religieuses de Saint-Hyacinthe, toutes celles qui ont marché à la suite de la vénérable fondatrice Catherine-Aurélie Caouette ont dédié leur vie à la prière, passant une bonne partie de leur vie recluses au cloître.

Elles n’ont pas soigné, nourri ni éduqué les Maskoutains. Elles ont plutôt prié pour eux en offrant leurs prières au monde extérieur et en louangeant le Précieux Sang purificateur du Christ. Et comme les dernières religieuses s’apprêtent à quitter le monastère pour s’installer aux Jardins d’Aurélie, la supérieure générale avait accepté de nous recevoir avec générosité, fidèle à la devise de la congrégation : « Adorer, réparer et souffrir, avec fidélité, constance et générosité. » Cela s’est traduit par la présentation d’un grand reportage magnifiquement illustré par le travail du photographe François Larivière. Publié dans notre édition du 12 juillet, il nous a valu que de bons commentaires et des éloges. Mon ciel semble acquis!

Cette rare visite au cœur du monastère aura été riche d’enseignement. Bien entendu, la chapelle et les jardins extérieurs sont dans une classe à part en terme de splendeur, puisque le monastère comme tel est immensément grand… et dépouillé.

Prochain propriétaire des lieux, la Ville de Saint-Hyacinthe devra peser et soupeser toutes ses interventions, tout particulièrement pour assurer la sauvegarde de la chapelle et éviter de la dénaturer de façon excessive dans une nouvelle vocation. Ce serait faire outrage à l’héritage laissé par les Adoratrices du Précieux-Sang que de vouloir tout « civiliser ». En ce qui concerne la transformation du monastère, la Ville n’est pas au bout de ses peines. Il faudra beaucoup d’amour et d’argent sans doute pour donner une nouvelle vocation civile et publique au monastère qui doit accueillir le centre d’histoire et d’archives. Si la Ville a dépensé une dizaine de millions dans la transformation du couvent de la Métairie en centre culturel, on peut penser qu’il en faudra bien davantage pour intervenir dans tous les coins et racoins du (trop?) vaste bâtiment et procéder à sa mise aux normes. Ce n’est pas pour demain cependant, car la priorité du pôle culturel en devenir dans ce secteur vise la relocalisation de la bibliothèque dans l’immeuble de la Fédération des caisses Desjardins. L’étape suivante devrait être la réhabilitation de l’église Notre-Dame-du-Rosaire afin d’accueillir Expression et le musée régional.

Outre ces considérations esthétiques, architecturales et politiques, la plus grande surprise au terme de cette visite de deux heures passées au monastère des Adoractrices aura été cette rencontre chaleureuse avec la supérieure générale, Sr Micheline Proulx. Voilà une dame bien de son temps, ouverte sur le monde et son prochain, une sage bien lucide et dotée d’un étonnant sens de l’humour. C’est aussi une lectrice assidue du COURRIER que l’on peut même joindre par courriel. Sr Proulx vit dans un cloître, sans pour autant vivre dans le passé ou en retrait du monde qui l’entoure. C’est pour cela qu’elle parle du deuil de quitter le monastère et de la désacralisation de la chapelle avec réalisme et résignation. Les religieuses sont prêtes à passer à autre chose, à poursuivre leur vocation autrement.

Elles sont conscientes que le déclin des communautés religieuses au Québec est inéluctable et irréversible. Mais elles ne sont pas amères pour autant.

Elles savent que leur œuvre et leur spiritualité ne s’éteindront pas forcément avec elles et ne se résument pas qu’à un monastère et une chapelle. Elles ont la foi. Et notre devoir, c’est de s’assurer de faire fructifier leur héritage au centuple.

Les Maskoutains y veilleront avec fidélité et constance Sr Micheline.

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