23 juin 2022 - 07:00
Apprendre en sortant des sentiers battus
Par: Sarah-Eve Charland
Les élèves de 5e et 6e année du primaire de l’école Saint-Hugues–Saint-Marcel ont appris tout au long de l’année scolaire à l’extérieur. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Les élèves de 5e et 6e année du primaire de l’école Saint-Hugues–Saint-Marcel ont appris tout au long de l’année scolaire à l’extérieur. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Assis sur une bûche à tortiller des branches au son des oiseaux et d’un cours d’eau, 40 élèves assistent paisiblement à leur atelier de lecture en plein air. Pourtant, 16 d’entre eux ont un trouble du déficit de l’attention et/ou de l’hyperactivité (TDAH). C’est que deux enseignantes de l’école primaire Saint-Hugues–Saint-Marcel proposent un enseignement tout à fait différent en plein air.

Mélanie Rousseau et Martine Charbonneau ont jumelé leurs efforts et leur classe de 5e et 6e année pour créer un tout nouvel environnement qui permet, selon ces dernières, de développer le plein potentiel de l’ensemble des élèves.

« Dans une classe, les plus forts sont délaissés. On concentre les efforts sur ceux qui ont le plus besoin d’aide. Ceux au centre restent au centre alors qu’on devrait plutôt les pousser à s’élever. À deux, ça nous permet d’un côté de faire une activité avec une majorité de la classe et de l’autre de faire un enseignement plus ciblé avec un petit groupe. Tous les élèves y gagnent », souligne Mélanie Rousseau.

Les deux enseignantes ont deux classes, mais un seul groupe. La première classe est surnommée le chalet puisqu’on y trouve divan, fauteuil, table bistro et un mur arborant une immense bibliothèque remplie de livres. L’autre est dédiée aux mathématiques. Dans les deux pièces, on ne trouve aucun pupitre ni cahier. À ces locaux s’ajoute un troisième lieu : la forêt.

« Dans une classe, tu vois tout de suite les TDAH. Dans la forêt, ça ne paraît plus. Ils embarquent tout de suite. Si on reste en classe, parfois en après-midi, on passe une période à faire des interventions et de la discipline », ajoute Mme Rousseau.

Changer les élèves, un à la fois

Après l’atelier de lecture, les élèves sont invités à écrire quelques phrases sur comment ils aimeraient changer le monde. Certains perchés sur des modules de jeux, d’autres assis par terre ou sur un arbre, ils écrivent et posent des questions. Ils réfléchissent sur la pollution, les guerres et les dictatures.

« L’évolution de certains élèves entre le début de l’année et maintenant, c’est une montagne. Certains n’étaient même pas capables d’écrire plus qu’une phrase en début d’année. J’ai hâte de lire leur texte. On a beaucoup parlé de l’actualité dernièrement », poursuit Mme Rousseau.

Mme Rousseau et Mme Charbonneau ont plus de 30 ans d’expérience à deux. Elles ont eu un coup de foudre professionnel, ce qui les a poussées à développer ce nouveau concept d’enseignement à partir de zéro en profitant de l’environnement autour de l’école. C’est d’ailleurs l’endroit idéal pour enseigner plusieurs notions de science et de survie. Les élèves ont notamment construit des abris et même développé des filtres à eau.

En plus des TDAH, on y trouve des jeunes ayant un trouble du spectre de l’autisme et des troubles d’apprentissage. « Les classes ont changé au cours des dernières années, ajoute Martine Charbonneau. Ce ne sont plus des classes régulières. Ce sont des classes d’adaptation scolaire. On a proposé l’idée [de jumeler nos groupes] à la direction et elle a embarqué tout de suite. Enseigner seule, ça peut être lourd, pesant. À deux, on se complète. On s’appuie l’une sur l’autre. »

Selon les enseignantes, ces cohortes ont toujours été considérées comme difficiles depuis leur arrivée en première année du primaire. Elles ont souvent été séparées en petits groupes par la direction puisqu’elles étaient exigeantes pour les enseignants en place. Notamment, un élève ayant un trouble du spectre de l’autisme était souvent retiré de son groupe puisqu’il ne cadrait pas avec l’enseignement traditionnel. « Il a passé son primaire dans le corridor. Il ne fonctionnait pas en classe. Il a passé l’année dans la classe avec nous », dit fièrement Mme Rousseau.

Du côté des parents, une certaine résistance s’est fait sentir. « Ils ont beaucoup de questionnements. Certains parents ont l’impression que les enfants ne font que jouer, mais on travaille fort. On mélange aussi la pédagogie pour s’assurer que les élèves soient prêts à aller à l’école secondaire », répond Mme Rousseau.

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