4 novembre 2021 - 07:00
Alexandre Caron raconte son burn-out sportif
Avoir le courage de sortir du chemin tracé
Par: Maxime Prévost Durand
Alors qu’il frappait aux portes de la LHJMQ, en 2019, le hockeyeur maskoutain Alexandre Caron ressentait une pression tellement forte qu’il a décidé de faire une croix sur sa carrière junior majeur pour privilégier son bien-être. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Alors qu’il frappait aux portes de la LHJMQ, en 2019, le hockeyeur maskoutain Alexandre Caron ressentait une pression tellement forte qu’il a décidé de faire une croix sur sa carrière junior majeur pour privilégier son bien-être. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Les enjeux de santé mentale au hockey, mis en lumière par les histoires de Jonathan Drouin et de Carey Price avec le Canadien de Montréal, ne sont pas seulement l’apanage des joueurs professionnels. Les hockeyeurs de tous les niveaux peuvent en ressentir les répercussions, même sur la scène locale et provinciale, comme en fait foi le témoignage du Maskoutain Alexandre Caron dans une généreuse entrevue à cœur ouvert accordée au COURRIER.

Le chemin d’Alexandre Caron était tout tracé vers la LHJMQ. Sauf que ce chemin n’était finalement pas le sien. La pression et le stress, conjugués à une vie dictée principalement par le hockey qui pesait de plus en plus lourd, ont amené l’ancien des Gaulois de Saint-Hyacinthe à tout quitter, en plein camp d’entraînement des Huskies de Rouyn-Noranda, en 2019. Il traversait alors un burn-out sportif.

Près de deux années se sont écoulées depuis que l’athlète, aujourd’hui âgé de 19 ans, a fait une croix sur sa carrière de hockeyeur junior majeur. Cette décision, il ne la regrette pas. Avec l’état d’esprit dans lequel il se trouvait, c’était la chose à faire. Courageusement, il a choisi de privilégier sa santé mentale et son bien-être, ce qui lui a permis de renouer avec une paix intérieure et, plus tard, de retrouver l’amour du hockey.

« Je me suis beaucoup écouté. Je voyais bien que ça allait moins bien et que je n’avais plus de plaisir », raconte-t-il.

Depuis très jeune, sa vie tournait presque exclusivement autour du hockey, autant en hiver qu’en été. Certes, il a pratiqué d’autres sports dans sa jeunesse, mais rapidement, il a dû concentrer tous ses efforts vers le hockey.

« Je pense que c’était trop, estime-t-il. […] Si j’avais eu quelque chose pour me sortir la tête du hockey un certain temps, je pense que je n’aurais pas eu ce burn-out et je n’aurais pas été tanné du hockey aussi vite que je l’ai été. »

Un parcours typique

Alexandre Caron a connu un parcours typique pour les joueurs de haut niveau. Il est notamment passé par l’ensemble de la structure intégrée des Gaulois de Saint-Hyacinthe, du pee-wee AAA au midget AAA.

Habitué d’être parmi les meilleurs de son équipe, il dit avoir été confronté pour la première fois à l’adversité à sa première saison midget AAA. Il se souvient avoir vu son temps de jeu diminuer et un premier doute s’est installé dans son esprit.

« De voir que ton temps de glace n’augmente pas même si tu mets les efforts parce que tu es avec d’autres bons joueurs, ça m’a fait beaucoup réfléchir. C’était la première fois que j’avais cette réflexion », souligne-t-il.

La saison suivante, tout changeait. Il devenait l’un des meneurs des Gaulois. Il a même terminé au deuxième rang des pointeurs de l’équipe avec 18 buts et 15 mentions d’aide en 41 parties. Malgré les succès qu’il a connus sur la patinoire, sa relation plus difficile avec l’entraîneur-chef Marc-André Ronda a eu des répercussions sur sa confiance en tant que joueur, dit-il.

Entre ses deux saisons avec les Gaulois, le Maskoutain avait été repêché par les Huskies, en 5e ronde de l’encan de 2018, et avait participé à son premier camp d’entraînement de la LHJMQ.

« Le premier camp à Rouyn avait bien été. J’arrivais sans attente. J’étais resté jusqu’à la fin et ils m’avaient même gardé deux semaines de plus au début de l’école. Ça m’avait donné un boost de confiance, se souvient-il. Mais à mon deuxième camp [en 2019], avec l’année que j’avais eue avec les Gaulois, j’avais un peu perdu la passion. Je me demandais pourquoi je faisais tous ces efforts-là d’être sur la glace sept jours sur sept à me donner [corps et âme] sans savoir si je le faisais parce que j’aimais vraiment ça ou simplement parce que c’était quelque chose que j’avais toujours fait. »

Quand la pression est trop forte

Pendant la deuxième campagne d’Alexandre Caron avec les Gaulois, les Huskies, alors dirigés par l’entraîneur maskoutain Mario Pouliot, avaient tenté de préparer son arrivée avec eux en vue de la saison suivante. En plus de rappeler leur espoir pour deux matchs durant la saison, ils l’avaient amené dans l’entourage de l’équipe pendant leur conquête de la Coupe Memorial.

« J’ai vraiment vécu de belles expériences avec eux. J’ai vu de l’intérieur ce qui se passait. Mais j’étais encore le kid qui manquait de confiance en lui. Oui, tu es entouré de modèles à suivre avec les vétérans qui sont là, mais au final, ils n’en ont rien à faire que tu sois là ou non. Ils font leurs trucs et tu es laissé à toi-même. Ce fut de belles expériences, mais je me sentais encore plus seul qu’entouré. Du moins, c’est comme ça que je l’ai vécu. »

« Même si j’essayais de jouer mon style de jeu et de bien faire dans les pratiques, je me comparais à des joueurs qui allaient faire un camp de la Ligue nationale de hockey ou carrément faire partie d’une équipe de la LNH un an ou deux plus tard », poursuit-il en citant des joueurs comme Noah Dobson, Rafaël Harvey-Pinard et Joël Teasdale.

Durant tout l’été qui a suivi, il s’est questionné à savoir s’il voulait vraiment continuer à vivre avec cette pression de performance qu’il ressentait sur ses épaules. « Je n’en avais parlé à personne à ce moment. Peu importe à qui tu parles, les gens disent “si j’avais ta chance, c’est sûr que je le ferais”. J’avais donc gardé ça pour moi et on dirait que c’était pire parce que je ne m’étais pas convaincu moi-même que je voulais être là [au camp]. »

Dès que les premiers joueurs ont été retranchés, Alexandre Caron a partagé à l’organisation son désir de partir. « J’ai dit que j’aimais mieux laisser ma place à quelqu’un qui voulait être là. »

Parler pour se libérer

À son retour à la maison, c’est là qu’il a connu sa « période la plus basse ». Sans le hockey, il a dû trouver de nouveaux repères dans sa vie, en plus de devoir justifier constamment sa décision.

« Les gens autour de moi ne comprenaient pas pourquoi j’avais fait ça. J’étais encore en train de me répondre à moi-même… d’avoir à répondre aux autres en plus, ça m’a amené à mon plus bas. J’avais l’impression de devoir constamment me justifier, mais je ne savais pas pourquoi je devais le faire parce qu’au final, c’était une décision qui me revenait. »

Bien qu’ils étaient eux aussi bouleversés par cette situation, ses parents, dont il est très proche, l’ont épaulé dans cette épreuve, comme ils l’ont fait tout au long de son parcours sportif.

« C’est avec ma famille que je suis allé chercher de l’aide. Mes parents m’ont beaucoup aidé à rester dans une place saine pour moi. C’est avec eux que je me suis senti à l’aise d’en parler et de leur dire que je ne me sentais plus bien. Si je n’avais pas été à l’aise de leur en parler, je me serais sûrement encore plus enfoncé, surtout qu’à cet âge, tu es dans une phase où tu gardes tout en dedans. De m’ouvrir, ça a été la chose la plus dure que j’ai eue à faire jusqu’à aujourd’hui, mais c’est ce qui m’a le plus aidé. Faire le premier pas et en parler, ça libère tellement de poids qu’après, ça fait juste aller de mieux en mieux. »

À peine un mois plus tard, il retournait sur la patinoire en se joignant aux Mousquetaires de Saint-Hyacinthe midget AA. Il y retrouvait des amis et, surtout, le simple plaisir de jouer au hockey, sans la pression des hauts niveaux.

« J’ai fait la moitié de la saison avec eux. Après quelques mois, j’avais repris goût à la compétition, sans avoir la pression du junior majeur, et j’ai décidé d’aller jouer au niveau collégial [avec les Lauréats du Cégep de Saint-Hyacinthe]. »

Depuis, il n’a jamais arrêté de jouer au hockey, un sport qu’il aime profondément. Il s’aligne cette saison avec l’Inouk de Granby, dans la ligue de hockey junior AAA. L’adrénaline et l’esprit de compétition l’animent toujours, « sans avoir la pression de devoir bien jouer pour que les recruteurs te regardent ».

Par son expérience, Alexandre Caron constate une plus grande ouverture à parler de santé mentale dans les vestiaires et a même côtoyé d’autres coéquipiers qui ont traversé des situations semblables à la sienne. Il dit avoir ressenti de l’empathie. « C’est un changement lent, mais on s’en va dans la bonne direction », croit-il.

À son avis, plus d’efforts devraient toutefois être mis dans l’accompagnement psychologique des joueurs, au même titre qu’on le fait pour les blessures physiques avec un thérapeute. Il a lui-même eu recours à un psychologue sportif, qu’il est allé chercher par ses propres moyens, après être parti de Rouyn-Noranda.

« Le travail d’introspection que j’ai fait depuis que j’ai quitté [les Huskies] m’a donné du courage. Je ne l’ai jamais vu comme une faiblesse d’être parti, mais plutôt comme une force pour me remettre sur pied. »

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