C’est seulement en mars dernier qu’il a définitivement rangé ses ciseaux et couteaux à barbe en raison d’un problème de santé. Alors qu’il avait fermé boutique en 2008 à l’âge de 83 ans, il n’a pas pu s’empêcher de ressortir ses ciseaux pour couper les cheveux des résidents des Jardins de la Yamaska, résidence maskoutaine pour personnes âgées où il habite maintenant.
Même si près d’une année s’est écoulée depuis qu’il a définitivement pris sa retraite, il conserve précieusement ses outils de travail qui se retrouvent en photographie dans sa biographie. L’objet qu’il affectionne tout particulièrement est un rasoir qui doit avoir près de 400 ans. Il appartenait au grand-père de son père. Sa collection personnelle comprend aussi un blaireau de rasage fait de vrais poils de blaireau, une courroie en peau de cheval et un outil pour couper les cheveux en brosse muni d’un niveau pour faire une coupe bien droite.
Ces outils sont des souvenirs précieux d’une carrière qu’il a choisi à 17 ans et a adoré. C’est à ce moment qu’il a dû faire un choix déchirant : suivre les traces de son père, Damase Fournier, en reprenant la ferme familiale à La Patrie ou celles de quatre de ses frères en devenant barbier. Bien qu’il ait choisi la deuxième option, son père ne lui en a jamais tenu rigueur et l’a plutôt encouragé dans cette voie. La biographie commence d’ailleurs avec un hommage rendu à son père, alors qu’il a développé une relation forte avec lui après avoir perdu sa mère à l’âge de 7 ans. « Mon père est un homme que j’ai toujours admiré. J’ai tellement de gratitude envers lui; un homme de principe, fier, droit et fidèle », est-il écrit. « Je suis tombée en amour avec son père quand il m’a parlé de lui. Il avait une intelligence intuitive incroyable et c’était un homme fort », a renchéri Mariette.
Ayant reçu la bénédiction paternelle, Benoît est allé apprendre le métier avec son frère Albert à Coaticook. Puis, à l’âge de 20 ans, il a dû retourner sur la ferme pour éviter de devoir s’enrôler pour la guerre. Il a finalement pu terminer sa formation avant de s’installer à Acton Vale pendant trois ans avec son frère Albéric qui était aussi barbier.
Coup de cœur pour Saint-Pie et les Johnson
C’est finalement en 1949 que l’histoire d’amour entre Benoît et Saint-Pie voit le jour alors qu’il lance son salon de barbier dans un local annexé à un restaurant de la rue Saint-François ayant appartenu à un autre de ses frères.
C’est dans les années 1950 qu’il se déplace sur la rue Notre-Dame pour y installer son salon de barbier et commence à couper les cheveux pour 0,25 $.
C’est à partir de ce moment qu’il discute davantage avec Daniel Johnson père, le voisin 10 ans plus vieux avec qui il se lie d’amitié. Daniel fils avait 5 ans et son frère Jean-Marc 2 ans quand il commence à les coiffer. « Au sujet des Johnson, une anecdote que j’aime bien raconter est celle de la naissance de mon fils Christian. Je vois Daniel arriver du travail et je sors sur le balcon pour lui annoncer l’arrivée de mon garçon. Il ne fait ni un ni deux et grimpe dans la chambre au deuxième étage, prend le bébé et le soulève dans les airs en s’écriant : “Un autre petit bleu” », raconte-t-il dans sa biographie.
« Qui d’autres peut se vanter d’avoir coupé les cheveux de trois premiers ministres de trois partis différents. Daniel père, premier ministre du Québec au parti l’Union nationale, Daniel fils qui deviendra premier ministre du Québec au Parti libéral et Pierre-Marc qui sera également premier ministre du Québec pour le Parti québécois. Cela aurait pu figurer dans le livre des records Guinness si j’avais voulu remplir tous les papiers et le questionnaire qu’exigeait ce privilège », a-t-il résumé dans le bouquin.
Avec le livre de sa vie, Ben le barbier de Saint-Pie bientôt centenaire démontre de belle façon que sa mémoire est toujours aussi aiguisée que ses précieux ciseaux!
