Dans « Memories of touch », la plus récente œuvre vidéographique créée par Hoffmann, des mains seules et indépendantes du reste du corps défilent – ou dérivent – dans un fond noir infini et inconnu. Une chorégraphie s’installe entre elles, laissant imaginer les rapports de force, de tendresse, de bienveillance et d’indifférence qui pourraient s’installer entre les protagonistes.

« L’action qui se déploie et le rapport qu’on imagine entre les mains que l’on voit, je pense que ça crée des émotions quand on les regarde », souligne l’artiste originaire d’Allemagne et qui est installée au Québec depuis plusieurs années.

En séparant les mains du reste du corps pour cette vidéo, elle provoque un anonymat qui laisse ensuite place à l’imagination.

« Par exemple, on peut voir une grosse main avec une petite main, qui pourrait appartenir à un enfant, et on se demande si c’est agréable pour la petite main. Une autre main arrive ensuite, est-ce que c’est pour l’aider? On peut créer des histoires et je trouve ça intéressant. Je ne veux jamais quelque chose de trop clair, comme de simplement donner la main, parce que c’est trop banal. Je veux créer des émotions [avec mes œuvres] », explique Bettina Hoffmann.

Parmi les œuvres vidéographiques présentées dans le cadre de Dérive / Drift, deux sont d’immenses projections qui provoquent une certaine immersion. L’une d’elles est « Displaced », dans laquelle on voit cette fois des corps en mouvement sous l’eau. De la musique ambiante accompagne l’œuvre, ajoutant tantôt à l’angoisse et tantôt à la beauté qui se dégagent déjà des images.

« L’eau freine le mouvement et provoque la lenteur », fait remarquer l’artiste à propos de cette force de la nature, qui apporte ses contraintes au corps lorsque celui-ci est submergé.

Dans une autre œuvre, « Silent Office », la lenteur est plutôt chorégraphiée. Les actions des personnages qu’on y voit – qui sont des danseurs contemporains – se déploient au ralenti.

« Ce que j’aime avec la lenteur, c’est qu’on peut regarder tous les détails. Quand c’est rapide, on manque tellement de choses, donc [quand c’est plus lent], c’est comme regarder une image. On a le temps de voir et de réfléchir. Ça crée aussi une tension. »

Une vidéo plus ancienne de son corpus, qui prend place juste à côté, inverse les rapports du mouvement. Les personnages restent immobiles, tandis que la caméra se déplace de façon circulaire dans la pièce, permettant de voir sous différents angles une même scène.

L’exposition est complétée par des photographies qui mettent en scène des interactions s’inscrivant dans des espaces limités. Dans la série « Idles », on peut voir différentes situations qui se déroulent dans une voiture. Tout près, une photographie intitulée « Mount Royal » laisse entrevoir un regroupement d’adolescents dans la forêt urbaine de Montréal, tout en gardant un flou sur ce qui s’y passe vraiment grâce à un jeu de profondeur de champ.

L’exposition Dérive / Dift se déroule jusqu’au 23 décembre à Expression. Des visites commentées seront proposées gratuitement les vendredis 1er et 8 décembre, de 14 h à 15 h.