Comme vous êtes déjà en mesure de le constater, la présente édition du COURRIER ne passera pas à l’histoire comme la plus joyeuse de toutes. Pas moins de trois décès récents sont recensés dans nos pages d’actualité.
Il a entre autres celui d’un père de famille qui a perdu la vie en faisant du vélo de montagne à Bromont et celui tout aussi dramatique du guitariste et chanteur qui a fait les beaux jours du groupe musical Karma, décédé dans un accident de travail.
Vu son background musical et sa notoriété certaine, l’onde de choc qui a suivi l’annonce du décès de Francis Ravenelle a été aussi retentissante que sa guitare. Ravenelle et Karma ont fait danser et chanter bien des Maskoutains au cours des 30 dernières années. Localement, cette formation a été de tous les grands rassemblements musicaux, que ce soit à l’Expo agricole ou à la fête nationale, en passant par les Rendez-vous urbains au centre-ville jusqu’à la dissolution du groupe il n’y a pas si longtemps. Francis Ravenelle continuait de rouler sa bosse en duo, de soirées en festivals, pour le plus grand bonheur de ses nombreux fans et amis qui le pleurent.
C’est dire à quel point son décès subit a touché bien des gens et ne pouvait être passé sous silence. On peut en dire autant du décès du Dr Gérard Barnabé, survenu au terme d’une vie bien remplie.
S’il n’a jamais été sous le feu des projecteurs comme Francis Ravenelle, le bon docteur méritait lui aussi que l’on chante ses louanges, lui qui n’a cessé d’accumuler les hits depuis qu’il a délaissé la médecine générale pour la pédiatrie au début des années 1960.
Si le nom de Gérard Barnabé ne dit pas grand-chose à nos jeunes lecteurs, il en va tout autrement pour nombre de parents, de grands-parents et d’arrière-grands-parents. Il fait figure de véritable pionnier dans son domaine, lui qui revendique à jamais le titre du tout premier pédiatre à pratiquer à Saint- Hyacinthe, avant même l’avènement de l’assurance maladie!
Si les qualités de pionnier, de visionnaire et de rassembleur lui ont été accolées lorsqu’il a été honoré par ses pairs en 1997 pour l’ensemble de son œuvre et sa contribution à l’évolution de la pratique pédiatrique à Saint-Hyacinthe, je retiens pour ma part, à titre de parent qui a eu la chance de l’avoir comme pédiatre pour son aînée, sa grande gentillesse, ses recommandations teintées d’humour et surtout sa grande disponibilité.
Il aura pratiqué à une autre époque, la belle époque. Il y a 25-30 ans, nous n’avions pas à téléphoner 1080 fois à son bureau dès 8 heures le matin pour essayer d’obtenir un rendez-vous. Dans son sous-sol, où il avait installé son bureau pour les dernières années de sa pratique, il recevait les petits malades et leurs parents inquiets presque tous les jours de 8 h 30 à 19 h.
Si ma mémoire est bonne, le cheval de bataille à ses collèges et à lui était l’asthme et leur croisade contre les tapis et les peluches dans les chambres des enfants. On ne s’inquiétait pas encore des ravages des écrans, des réseaux sociaux et de l’anxiété sous toutes ses formes. Vers la fin de sa pratique active, et au moment où il avait été désigné Personnalité du mois du COURRIER et de la Chambre de commerce locale en février 2001, il confiait cependant devoir apprendre à composer de plus en plus avec des enfants avec des problèmes de comportement à l’école ou à la maison et éprouvant des difficultés d’apprentissage.
« Nos entrevues deviennent plus longues. Il faut faire preuve de plus de délicatesse pour mieux cerner l’environnement familial et les antécédents des parents. Les enfants ne sont pas différents de nos jours, ce sont les familles qui le sont. Si l’enfant a échoué, ce n’est pas forcément parce qu’il est malade ou moins intelligent, mais c’est peut-être parce que les deux parents sont séparés, parce que les deux parents travaillent. »
Certains diront que ce dernier commentaire, une opinion personnelle et non médicale, a mal vieilli; d’autres qu’il a frappé dans le mille. À vous de choisir votre camp. Il n’en demeure pas moins que des médecins bienveillants, sensibles et aussi accessibles que l’était le Dr Barnabé, cela fait figure de fantasme en 2024.
Bon voyage et merci Doc.