Ces complotistes et autres sceptiques du genre n’ont sûrement jamais mis les pieds sur les unités COVID de l’Hôpital Honoré-Mercier ou de l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe, qui est, faut-il le rappeler, le plus grand centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) au Québec avec ses quelque 444 lits. Et l’un des principaux foyers d’éclosion meurtrière de la seconde vague dans la région de Saint-Hyacinthe. Le nombre de décès vient d’y franchir le cap de la soixantaine. C’est pratiquement cinq fois plus qu’à la première vague!
Pour mon ami Yvan Boulay, la COVID-19 n’a rien d’un mal abstrait. Que non.
Son père Gérard figure parmi les victimes récentes de la pandémie à l’Hôtel-Dieu. Ce dernier s’est éteint le 5 janvier sur l’unité chaude où l’on regroupe les résidents testés positifs. Pour le fils de M. Boulay, la COVID-19 restera associée à jamais à la perte d’un être cher.
Je me permets de reproduire, avec son autorisation, le message qu’il a partagé sur Facebook à la suite du décès de son paternel. C’est un message bien plus puissant à mon avis que toutes les campagnes de sensibilisation auxquelles nous sommes soumis depuis 10 mois. Et un message ô combien plus pertinent que toutes les balivernes et théories qui circulent sur les réseaux sociaux.
« Mon papa est décédé ce matin [5 janvier] des suites de la COVID-19. Il avait 97 ans. Même si son âge avait amoindri ses capacités, il était en bonne forme physique et avait encore, comme il le disait si bien, beaucoup de temps devant lui. Rien ne laissait présager une si rapide issue, avant sa rencontre avec la COVID-19. J’ai compris en rendant visite à papa à l’Unité COVID de l’Hôtel-Dieu que ce virus n’a rien d’anodin. Quel que soit l’âge, ses effets sont terriblement dévastateurs et trop souvent sans appel. Soyez prudents s’il vous plaît. Ce virus est sournois et sans pitié. Il est un briseur de familles, un briseur de vies… »
La COVID-19 brise des familles et des vies, nous dit Yvan Boulay en plaidant pour que ceux et celles qui ne respectent pas les consignes sanitaires, le confinement, le couvre-feu et qui se font un malin plaisir de braver les autorités en promenant leur conjoint en laisse ou en posant fièrement avec leur contravention puissent être témoins de ce qui se passe sur les unités COVID dans nos hôpitaux et nos CHSLD. Ils rigoleraient beaucoup moins et se promèneraient masqués avec les deux mains dans leurs poches.
Dans le cas de la COVID-19, on sait quoi faire pour limiter sa contagion et l’empêcher de briser des familles. Suffit de se gérer un peu et de respecter scrupuleusement les consignes de la santé publique. On peut bien douter de la science derrière l’imposition du couvre-feu et de ses effets bénéfiques, mais nous étions rendus à un point de rupture où il fallait envoyer un message fort à la population, aussi symbolique soit-il.
Nous arrivions au point de rupture physique et moral des professionnels de la santé qui peinent à surmonter la vague. Quand c’est rendu que notre hôpital de campagne avec ses 26 civières à l’urgence et à peine 10 lits aux soins intensifs doit faire du dépannage et ouvrir un étage de 33 lits dédiés aux cas de COVID, c’est que l’heure est grave. Il faut maintenant espérer que la pression sur le réseau diminue rapidement et que les mesures actuelles aient un impact vérifiable sur les mises à jour concernant les nouveaux cas, les hospitalisations ainsi que les décès.
D’ici le 8 février, date de la fin annoncée du couvre-feu au Québec, nous serons nombreux à souhaiter voir les signes d’une accalmie durable. Trop de familles et de vies ont déjà été brisées.
Beaucoup trop.