Comme plusieurs membres des conseils d’administration des cégeps, nous provenons de la société civile et occupons des emplois qui justifient notre aptitude à prendre, en collaboration avec les directions, des décisions éclairées pour une saine gestion de nos établissements. Nous nous investissons bénévolement dans cette mission parce que nous croyons fermement à la valeur et à l’importance des cégeps. D’ailleurs, des membres sont également nommés par la ministre de l’Enseignement supérieur, ce qui témoigne de la confiance qu’elle nous accorde. Il est donc crucial qu’on nous laisse établir les priorités de nos établissements en fonction de nos réalités respectives.
Les cégeps enregistrent cette année la plus forte hausse des inscriptions depuis 25 ans, une croissance qui s’annonce durable avec une augmentation prévue de 20 % du nombre d’étudiants d’ici 2033. Cette progression témoigne de leur pertinence et de leur attractivité, car ils s’avèrent indispensables pour former les travailleurs qualifiés dont le Québec a besoin. Pourtant, cette bonne nouvelle semble paradoxalement se transformer en un fardeau pour nos cégeps, qui sont confrontés au manque d’investissement pour le maintien des infrastructures, au plafonnement des dépenses, à des restrictions sur les heures rémunérées et à un gel de recrutement imposé par le Secrétariat du Conseil du trésor.
Une menace à l’autonomie des cégeps
Alors que la demande en main-d’œuvre qualifiée ne cesse de croître, le gouvernement impose des mesures qui étouffent la capacité des cégeps à répondre aux réalités locales. Chaque cégep possède des particularités uniques, influencées par les besoins économiques et les ressources de son milieu. Le Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue ne vit pas les mêmes réalités que ceux de Baie-Comeau, Montmorency ou Rosemont. Pourtant, ces spécificités locales sont ignorées dans une approche centralisée qui ne laisse que peu de marge de manœuvre à nos établissements.
Le gel du recrutement applicable au personnel administratif n’offrant pas de services directs aux étudiants, en vigueur depuis le 1er novembre 2024, entraînera des répercussions néfastes sur le déroulement des activités essentielles à la réussite de nos étudiants : ce sont des techniciens en informatique, des préposés à la sécurité, des concierges ou encore des cuisiniers que nous ne pourrons pas recruter. En réduisant ces ressources, nous compromettons le fonctionnement de nos établissements et mettons en péril la qualité de l’encadrement pour les étudiants.
La centralisation excessive des décisions et les restrictions budgétaires empêchent nos cégeps de jouer pleinement leur rôle. Nous ne pourrons plus innover ni répondre efficacement aux besoins de nos étudiants si chaque initiative est freinée par une bureaucratie éloignée des réalités du terrain. Cette gestion centralisée compromet non seulement la qualité de l’enseignement supérieur, mais aussi l’accessibilité à ce dernier.
Nous, présidentes et présidents des conseils d’administration des cégeps du Québec, demandons au gouvernement de mettre fin à cette politique de centralisation et de redonner aux cégeps l’autonomie nécessaire pour gérer en fonction des besoins de leur milieu. Une gestion locale et autonome est indispensable pour garantir un enseignement supérieur accessible, adapté et de qualité pour tout le Québec.
Sans cela, c’est l’avenir même de l’accessibilité à l’enseignement supérieur qui est en péril.
Joseph Noumbissi, président du conseil d’administration du Cégep de Saint-Hyacinthe, ainsi qu’une quarantaine d’autres signataires à la tête du CA de différents cégeps