25 avril 2024 - 03:00
C’est la fin pour l’imprimerie TC Transcontinental de Saint-Hyacinthe et ses 200 employés
Par: Adaée Beaulieu
Louis Bienvenue a procédé à l’arrêt définitif des presses de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe le 20 avril. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Louis Bienvenue a procédé à l’arrêt définitif des presses de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe le 20 avril. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Des employés du dernier quart de travail de l’usine TC Transcontinental de Saint-Hyacinthe ont posé fièrement avec les dernières circulaires imprimées le 20 avril au matin. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Des employés du dernier quart de travail de l’usine TC Transcontinental de Saint-Hyacinthe ont posé fièrement avec les dernières circulaires imprimées le 20 avril au matin. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le directeur de l’usine, Martin Clair, en compagnie d’une partie de la dernière brigade. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Le directeur de l’usine, Martin Clair, en compagnie d’une partie de la dernière brigade. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Doyen des employés en termes d’ancienneté, André Beaudoin cumulait 43 ans de service. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Doyen des employés en termes d’ancienneté, André Beaudoin cumulait 43 ans de service. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Fraîchement imprimées, les dernières circulaires sont sorties de presse samedi matin à l’usine de Saint-Hyacinthe. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Fraîchement imprimées, les dernières circulaires sont sorties de presse samedi matin à l’usine de Saint-Hyacinthe. Photo François Larivière | Le Courrier ©

Benoit Chartier, éditeur du Courrier de Saint-Hyacinthe et fils du fondateur de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe, en compagnie d’Isabelle Marcoux, présidente de TC Transcontinental, et de Rémi Marcoux, fondateur de TC Transcontinental. En présence des fidèles employés, le trio a participé récemment à une soirée afin de souligner la fermeture officielle des installations. Photo gracieuseté

Benoit Chartier, éditeur du Courrier de Saint-Hyacinthe et fils du fondateur de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe, en compagnie d’Isabelle Marcoux, présidente de TC Transcontinental, et de Rémi Marcoux, fondateur de TC Transcontinental. En présence des fidèles employés, le trio a participé récemment à une soirée afin de souligner la fermeture officielle des installations. Photo gracieuseté

Un silence envahissant et inhabituel a enveloppé l’imprimerie TC Transcontinental de Saint-Hyacinthe vers 9 h 30, samedi matin, après la mise à l’arrêt définitive de la dernière presse.

Environ 25 employés sur les quelque 200 qui s’affairent quotidiennement dans ce vaste bâtiment industriel ont assisté sereinement, mais non sans émotions, à ce moment fatidique annonçant la fermeture d’une usine qui aura contribué à l’essor économique maskoutain pendant quelque 45 années. La page a été tournée.

C’est à un des chefs pressiers, Louis Bienvenue, comptant 24 ans de services, qu’est revenu l’honneur de stopper la dernière presse après avoir entendu les simples mots : « On arrête ça! »

Après l’impression des 5500 dernières copies de la circulaire du magasin Rossy, il a récupéré une bande des derniers circulaires en guise d’ultime souvenir, question de marquer le moment solennel.

Plusieurs employés se sont aussitôt rassemblés autour de lui afin de poser fièrement pour le photographe du COURRIER avec l’échantillon si précieux et la dernière pile de circulaires bien en vue. Tous riaient de bon cœur et criaient quand le dernier paquet de circulaires est apparu.

Ce moment de bonne humeur a ensuite été suivi de quelques au revoir plus émotifs marqués par des poignées de mains bien senties. Tous sont ensuite partis la tête haute et la satisfaction du devoir accompli en espérant se revoir, sans trop savoir ce que l’avenir réservera à chacun.

« Ça fait des années que nous parlons de la fin éventuelle de l’imprimerie, mais ça fait quand même quelque chose. J’ai commencé ici à l’âge de 17 ans et j’ai gravi tous les échelons », a témoigné Louis, avec la larme à l’œil. « Mes collègues, ce sont comme ma famille! Je passe plus de temps avec eux qu’avec la mienne. Je ne les reverrai pas nécessairement tous, car il y a quand même un bon écart d’âge avec certains », a ajouté celui qui travaillait des 12 heures de jour. Dans l’immédiat, il comptait simplement se reposer comme la plupart de ses collègues et ne s’inquiétait pas outre mesure, étant bien appuyé par le comité de reclassement.

Le jour fatidique, Paul-René Campion, qui célébrait au même moment ses 38 ans de service, s’est tout de même permis de rigoler avec Louis alors qu’il contrôlait les couleurs à l’autre écran.

L’homme qui fêtera ses 64 ans en mai avait déjà passé une entrevue d’embauche la semaine précédente et en avait une autre de prévue la semaine suivante, mais pas dans le domaine de l’imprimerie qu’il considère en perte de vitesse.

« Je vais chercher quelque chose juste pour ne pas m’ennuyer. Ce sont vraiment mes compagnons de travail et l’ambiance qui vont me manquer. Nous allons nous organiser pour aller souper et prendre une petite bière », a confié celui qui pourra être payé encore plusieurs mois de salaire en raison des généreuses indemnités de départ.

Celles-ci sont assorties d’ententes confidentielles, selon le représentant syndical, Jean Jodoin. Toutefois, il a assuré qu’elles dépassaient ce qui était initialement prévu à la convention collective, soit une semaine de salaire par année de service pour les employés travaillant à l’imprimerie depuis 10 ans et plus.

Au moment de discuter avec LE COURRIER, M. Jodoin attendait l’équipe de l’expédition pour un dernier dîner commun à la cafétéria. La dernière équipe de nuit avait quitté à 7 h, pour un dernier déjeuner de groupe. Deux autres équipes de travailleurs avaient quitté l’usine avec émotion le 18 avril. Certains étaient par contre revenus faire une dernière tournée pour saluer des collègues la veille de la fermeture officielle. C’est le cas des chefs pressiers de nuit depuis 23 ans Véronique Tailly et Frank Boily, qui forment un couple depuis qu’ils se sont rencontrés sur place il y a 19 ans . À leur arrivée, le 19 avril, ils ont été frappés de voir que seulement huit voitures se trouvaient dans le stationnement, mais c’est avec joie qu’ils ont pu renouer avec leurs collègues.

Le directeur de l’usine, Martin Clair, avait pour sa part bien du mal à se convaincre que la fin des activités était imminente. « On ne dirait pas que ça va finir tantôt. C’est vraiment business as usual. Je n’arrive pas à le croire. »

Un deuil qui se vit en famille

La veille de la fermeture, André Beaudoin, le doyen des employés toujours actifs avec ses 43 ans de service, racontait encore à qui voulait l’entendre l’évolution fulgurante de cette imprimerie. Cette dernière a été construite à l’intersection des boulevards Choquette et Casavant en 1976 à l’initiative de Denis Chartier, alors propriétaire du Courrier de Saint-Hyacinthe, et de ses associés. C’est en 1979 que Transcontinental en fera l’acquisition afin de soutenir son expansion.

André Beaudoin y sera engagé en 1980, une année avant la signature de la toute première convention collective. Il se souvient qu’à l’époque, toutes les opérations nécessitaient beaucoup de manutention, contrairement à ces années-ci compte tenu de la modernité des installations.

Ces dernières années, l’usine maskoutaine s’était spécialisée dans l’impression de circulaires à grand volume pour alimenter le fameux Publisac. La disparition de ce véhicule publicitaire distribué à la grandeur du Québec depuis 46 ans, une décision annoncée par TC Transcontinental en novembre dernier, a aussi sonné le glas de cette installation.

M. Beaudoin s’est aussi souvenu que, dans les bonnes années, 25 millions de copies de circulaires pouvaient être imprimées sur les presses chaque semaine. « Ce sont vraiment mes coéquipiers qui vont me manquer le plus. Quand nous aimons notre travail, nous restons et je l’ai adoré dès le départ. De bons pressiers m’ont montré le travail. Plusieurs provenaient du Courrier. Nous avons imprimé ce journal ainsi que Le Clairon pendant quelques années. Nous avons toujours été proactifs et nous nous sommes adaptés à la technologie au fil des ans. Je suis triste, mais fier de l’ouvrage que j’ai fait », a raconté celui qui est devenu par la force des choses la mémoire vivante de l’imprimerie maskoutaine.

Tommy Lachance, un chef pressier de nuit âgé de 38 ans, a aussi décrit avec nostalgie comment sa famille et lui ont vécu toute leur vie dans le domaine de l’imprimerie. Son père, Michel, a travaillé comme chef pressier à l’usine de Saint-Hyacinthe jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite il y a quatre ans.

Tommy Lachance a débuté ce métier à 16 ans, en même temps que son frère aîné qui a pour sa part quitté l’entreprise quelque temps avant lui. Son frère cadet a également travaillé à cette imprimerie.

Bien qu’il ait déjà commencé un cours comme charpentier-menuisier, la transition n’est pas plus facile pour autant.

« C’est vraiment comme un deuil. Tous mes souvenirs remontent. J’ai ramené à mon père la photo prise pour sa retraite et qui était encore affichée à l’usine. Il l’a regardée pendant un bon dix minutes et il a versé une petite larme. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Ça fait peut-être drôle à dire, mais même l’odeur va me manquer. Quand mon père revenait de travailler, ses vêtements sentaient l’imprimerie. Oui, c’est un deuil… »

En annonçant la fermeture définitive de l’imprimerie de Saint-Hyacinthe en février dernier, la direction de TC Transcontinental avait aussi mentionné son intention de s’en départir le moment venu.

Nous y voici.

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