Pour répondre à cette question, il fallait avant tout caractériser ce qu’est la tourbe. Dans son livre « Le chauffage domestique au Canada : des origines à l’utilisation », Marcel Moussette définit ce qu’est la tourbe : « Une matière noirâtre ou brune, d’autant plus combustible qu’elle est plus pure, c’est-à-dire moins chargée de terre et d’eau. Ce sont généralement des mousses (Sphagnum) qui forment la tourbe. Les mousses se développent dans l’eau par la partie supérieure et meurent par la base, qui s’épaissit progressivement, se carbonisant ainsi à l’abri de l’air […] On extrait généralement la tourbe au printemps, en mottes de la grosseur d’une double brique, qu’on laisse sécher pendant l’été sur les lieux mêmes de l’exploitation en formant un tas non compact à travers les intervalles duquel l’air peut circuler. »
J. De Clercy, ingénieur des Arts et Manufactures de Paris, était venu offrir une conférence à ce sujet à Saint-Hyacinthe le 24 janvier 1903. À ses auditeurs maskoutains, il parlait de la tourbe en ces termes : « La Tourbe (que vous appelez aussi terre noire) est un produit de fermentation dû à des végétaux aquatiques qui ont rempli certains lacs ou étangs. C’est un produit dont la formation est contemporaine de l’homme et se continue de nos jours. »
Ainsi donc, le mot tourbe, dont l’équivalent anglais est « peat moss » est utilisé, à tort, pour désigner des bandes de gazon. La tourbe, c’est de la matière organique dont on fait usage « en contenants afin de créer un milieu propice à la croissance des végétaux ou comme amendement de sol pour en améliorer les propriétés », nous indique le site Internet de l’Association des producteurs de tourbe horticole du Québec.
Autre temps, autre usage
Dans les années 1930, les propriétaires de maisons pouvaient chauffer leurs domiciles avec des briquettes de tourbe. Mais d’où provenait la matière première nécessaire à la confection de ces briquettes? Allez, on lance la recherche afin d’en savoir un peu plus à ce sujet.
Dans son « Rapport de progrès depuis son commencement jusqu’à 1863 », la Commission géologique du Canada identifie, à la page 831, l’emplacement d’une tourbière dans la région de Saint-Hyacinthe : « On trouve une tourbière d’une grande étendue dans la seigneurie de Ste. Marie de Monnoir, et une autre dans la paroisse de St. Dominique, y compris des portions de Ste. Rosalie et de St. Pie. » On peut donc conclure que les vastes champs de terre noire que l’on peut observer lorsqu’on se rend de Saint-Hyacinthe à Saint-Dominique seraient l’emplacement central de cette tourbière observée en 1863.
Dans le même document, on poursuit en affirmant que cette tourbière peut avoir de huit à dix kilomètres dans une direction et de cinq à sept dans l’autre direction. « Cette étendue est recouverte par un lit de tourbe, qui atteint jusqu’à six pieds d’épaisseur, et même, dit-on, dans quelques endroits, dix-huit pieds, bien qu’il n’en ait que deux à trois pieds sur les bords. » À cette époque, on indique que la tourbière fut partiellement desséchée et livrée à l’agriculture. Après avoir coupé les arbres, on laboure les parties cultivables et pendant la saison sèche, on y met le feu. En brûlant la tourbe de surface, on engraisse la terre. « Quand, par suite de plusieurs répétitions de ce procédé la tourbe a été réduite à quelques pouces, la portion qui reste est mélangée par le labourage avec l’argile inférieure, et l’on obtient un riche terrain meuble. »
Mais en plus de produire de la terre d’excellente qualité, la tourbe servira également pour le chauffage. Mais pour en arriver là, il faut d’abord la recueillir. Selon le site Internet Laurentia – Milieux Humides, James Hodges invente, en 1864, dans la région de Victoriaville, les premières machines d’extraction de la tourbe. « La tourbe qui y était produite était extraite à l’aide d’une grosse tarière installée sur un ponton flottant poussé dans des canaux creusés dans la tourbière. Puis, la pulpe de tourbe ainsi produite était séchée au soleil et découpée en petits blocs. »
À suivre…