Dans le choix du titre de la manchette « La fin du cheap labor? », le plus important n’était pas tant l’emploi d’un anglicisme que l’ajout du fameux point d’interrogation qui change tout à mes yeux. Car pour que l’arrivée d’un syndicat dans une bibliothèque, une PME ou n’importe où ailleurs mette fin à l’embauche d’employés à bon marché, encore faudrait-il faire la démonstration que ceux qui s’y trouvent sont exploités et vraiment sous-payés.
Selon l’interprétation du délégué syndical, c’est l’évidence même, si on compare le salaire des 50 employés des Bibliothèques Saint-Hyacinthe aux salaires auxquels ils pourraient aspirer en étant sur la liste de paie de la Ville de Saint-Hyacinthe, au sein des catégories d’emplois regroupant des professionnels ou des cols blancs. Cette dernière catégorie d’employés a reçu un ajustement salarial de 16,25 % le 1er janvier dernier, incluant l’indexation annuelle. C’est alléchant de vendre ça à des employés que l’on souhaite syndiquer, mais c’est tordre la réalité que de crier au cheap labor. Soyons sérieux.
Selon le syndicat, un commis d’une bibliothèque vraiment municipale gagnerait quelques dollars de l’heure de plus qu’un commis d’une bibliothèque gérée par un OSBL, comme c’est le cas à Saint-Hyacinthe. C’est un fait, mais est-ce un scandale de gagner, par exemple, 24 $ l’heure au lieu de 27 $?
Ce n’est pas connu de tous, mais la Médiathèque maskoutaine est l’organisme mandaté et financé par la Ville pour gérer les bibliothèques publiques de son territoire et leur personnel. Ce modèle de gestion déléguée à des OSBL est même assez répandu chez nous, que ce soit au niveau des loisirs ou encore au Centre des arts Juliette-Lassonde, à l’aéroport ou même, dans une certaine mesure, avec Saint-Hyacinthe Technopole. La gestion du centre de congrès est aussi déléguée par la Ville, mais au privé. À ma connaissance, Amnistie internationale n’est pas sur le point d’ouvrir un bureau à Saint-Hyacinthe pour changer ça.
Je n’ai d’ailleurs aucune misère à croire qu’il peut être plus payant de travailler pour la Ville de Saint-Hyacinthe que pour la Médiathèque maskoutaine ou la Société de diffusion des spectacles et je ne m’en scandalise pas.
Mon premier réflexe quand je cherche des milieux de travail où le cheap labor est de mise pour parler du traitement réservé à des travailleurs, ce n’est pas de me tourner vers la bibliothèque maskoutaine. Mon attention se tourne généralement vers les travailleurs qui font les jobs durs et sales dans nos champs, nos usines, nos dépotoirs ou nos centres de distribution bon marché.
Des postes qui sont souvent occupés par des travailleurs étrangers temporaires à statut précaire avec un contrat de travail fermé. Il m’arrive à l’occasion de croiser cette catégorie de travailleurs quand ils viennent emprunter des livres à la bibliothèque, mais jamais de l’autre côté du comptoir où les employés ont accès à un programme de REER collectif et des assurances collectives.
Peut-être que mes réflexes ne sont pas bons. Je vais donc m’en remettre à mes oreilles. Je connais quelques employés actuels et passés de la bibliothèque et je n’ai jamais eu vent que les gens s’y sentaient maltraités, qu’il y avait un taux de roulement alarmant et qu’on ne parvenait pas à y pourvoir les postes vacants. Au contraire. À mon sens, les employeurs n’ont pas le choix d’offrir des salaires compétitifs en 2024 pour garder leur monde. Compétitifs dans le marché ou le créneau dans lequel ils évoluent. Pas en regard de ceux et celles qui sont grassement payés à la Ville de Saint-Hyacinthe.
Cela dit, un syndicat a cependant trouvé dans nos bibliothèques un terreau fertile pour s’implanter. C’est donc le signe qu’il y a une certaine part d’insatisfaction parmi les troupes qui sont d’ailleurs en croissance (+20 employés) depuis l’ouverture de la nouvelle bibliothèque.
Une part d’insatisfaction ou de naïveté. Mon message aux employés : so, so, so, sauvez-vous donc si vous pensez être exploités par Louise Struthers.