7 mars 2019 - 11:12
Chez Michel Brouillard, la biodiversité, c’est plus que chouette!
Par: Le Courrier
Soucieux du respect de l’environnement depuis toujours, Michel Brouillard a su restaurer, protéger et mettre en valeur de nombreux milieux naturels présents sur sa propriété (rivière Chibouet, milieu humide, boisé, etc.). En préservant ces habitats, il a favorisé la diversité des paysages et de leurs rôles écologiques, mais aussi l’implantation d’espèces à statuts précaires comme l’ail des bois et les tortues des bois. Photo Paul Baril | MRC des Maskoutains  ©

Soucieux du respect de l’environnement depuis toujours, Michel Brouillard a su restaurer, protéger et mettre en valeur de nombreux milieux naturels présents sur sa propriété (rivière Chibouet, milieu humide, boisé, etc.). En préservant ces habitats, il a favorisé la diversité des paysages et de leurs rôles écologiques, mais aussi l’implantation d’espèces à statuts précaires comme l’ail des bois et les tortues des bois. Photo Paul Baril | MRC des Maskoutains ©

Michel Brouillard et Paul Baril.
Photo Paul Baril | MRC des Maskoutains ©

Michel Brouillard et Paul Baril. Photo Paul Baril | MRC des Maskoutains ©

Michel Brouillard.
Photo Paul Baril | MRC des Maskoutains ©

Michel Brouillard. Photo Paul Baril | MRC des Maskoutains ©

En collaboration avec la MRC des Maskoutains, LE COURRIER présente une série d’entrevues réalisées avec une dizaine de producteurs agricoles qui ont participé à la 2e édition du projet Le photographe est dans le pré. Ils étaient jumelés avec des photographes du Club Photo Saint-Hyacinthe. Par leurs images, ils devaient valoriser le travail de ces agriculteurs qui s’appliquent à préserver la biodiversité de leur milieu de vie et de travail. Michel Brouillard a accueilli chez lui le photographe Paul Baril.

Michel Brouillard a été producteur agricole de 1976 à 2012, principalement dans l’élevage de la dinde. Aujourd’hui, il n’a gardé que 300 arpents, dont 200 en culture, à Sainte-Hélène-de-Bagot. N’ayant pas de relève, il a vendu le reste à son frère qui continue l’élevage de la dinde avec ses deux garçons.

Depuis cinq générations, cette famille, comme d’autres dans la région, tente de perpétuer la tradition agricole tout en s’assurant d’une certaine qualité de vie. À une époque, M. Brouillard travaillait 120 heures par semaine. Dans les années 80, il livrait 25 dindes par quinzaine à Montréal pour approvisionner ses premiers clients. Petit à petit, le volume des affaires est devenu assez intéressant, atteignant 160 000 dindes par année, dont une partie était destinée à l’exportation.

La notion de biodiversité fait partie du vocabulaire et de la philosophie de cet agriculteur depuis bon nombre d’années.

Quels aménagements avez-vous faits pour préserver la biodiversité?

« J’ai 100 arpents en boisé avec plusieurs écosystèmes, comme des marécages, des lagunes et des étangs éphémères. Tout ça favorise la biodiversité. »

Bien sûr, la rivière Chibouet lui tient aussi énormément à cœur : « Tout va passer par la protection de l’eau. En même temps, c’est ce qui favorise la biodiversité. Pour moi, c’est primordial. »

Par le biais du comité de bassin versant de la rivière Chibouet, dont il est le président, M. Brouillard mise sur le volet éducatif. Chaque année, depuis 4 ans, il permet l’accès à son boisé à des élèves du volet environnement de la polyvalente pour différents travaux qui permettent d’en améliorer la biodiversité.

Mais ce qui est le plus original, c’est l’installation de nichoirs pour les oiseaux et en particulier pour la chouette rayée. Il a une volonté ferme de réintroduire cette espèce, car elle a été observée dans son boisé. Pour cela, il compte faire des efforts pour valoriser l’habitat de la chouette. Six nichoirs sont prévus en tout, dans la campagne environnante et même au village.

C’est un peu pour cela que les aménagements dans le boisé se limitent à la création de sentiers. « L’entretien est partiel, on veut que ça reste viable pour la faune et la flore. Il ne faut pas trop intervenir. Je laisse les milieux humides, le plus possible. À l’occasion, on va aller chercher des arbres qui sont tombés pour faire un peu d’entretien, mais il faut en laisser pour la faune. Les arbres morts, qui sont debout, ça fait des garde-manger pour les oiseaux. »

Quels bénéfices en tirez-vous?

« Quand j’étais petit, c’était un bonheur de passer mes grandes journées dans le bois et les champs. Aujourd’hui, c’est la satisfaction de marcher dans mon érablière. Quand je la fais visiter avec ma calèche, tout le monde est émerveillé de voir la beauté du paysage. Moi, ce que je prône, c’est la liberté de pouvoir jouir de la nature. C’est l’essence même de la vie. Puis, quand tu en jouis, tu es encore plus porté à la protéger. »

On peut dire que Michel Brouillard est aux oiseaux lorsqu’il reçoit les sourires et la reconnaissance des visiteurs, des enfants en particulier. C’est son meilleur salaire.

Comment faites-vous pour avoir une production optimale tout en protégeant l’environnement?

M. Brouillard rappelle que la bande riveraine, ça fait 25 ans qu’il essaie de la préserver pour nettoyer moins souvent ses fossés. « Quand tu nettoies un cours d’eau, c’est de l’argent qui sort de tes poches. Il y a bien des producteurs qui disent qu’au prix que coûte la terre, il faut qu’ils l’utilisent toute. Mais ce que tu as gagné pour le rendement que tu vas chercher dans les deux premiers rangs au bord du cours d’eau, tu le remets sur la pelle utilisée pour nettoyer ton fossé. Et puis, tu ne favorises pas ta biodiversité. De plus, la bande riveraine peut être entretenue tout en laissant pousser une production d’herbages. La rentabilité ne doit pas être le seul objectif à atteindre à tout prix. »

Michel Brouillard souligne aussi l’importance de protéger les insectes utiles, sans quoi on en perd les bienfaits dans les cultures. Sauf au bord des routes, il fauche seulement à l’automne quand la flore est en régression et que les oiseaux sont partis.

Comment voyez-vous la production agricole du futur par rapport à la protection de la nature?

« Avec les dernières machineries équipées de GPS, les bornes sont programmées, donc pas d’excuses pour ne pas respecter les distances réglementaires. » Michel Brouillard affirme que respecter la nature devient un cas de conscience collectif. Il demeure positif parce que les mentalités changent. « Les enfants ont plus de pouvoir sur leurs parents que les lois du gouvernement. »

Cependant, selon M. Brouillard, les contraintes environnementales devraient être imposées progressivement, avec plus de consultation auprès des agriculteurs.

Par Micheline Healy

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