2 mai 2024 - 03:00
Controverse artistique autour d’une œuvre d’art
Par: Maxime Prévost Durand
Encore à l’état de maquette, l’œuvre d’art qui doit agrémenter le parvis de la bibliothèque T.-A.-St-Germain fait déjà jaser. Photo gracieuseté

Encore à l’état de maquette, l’œuvre d’art qui doit agrémenter le parvis de la bibliothèque T.-A.-St-Germain fait déjà jaser. Photo gracieuseté

L’œuvre d’art numérique qui prendra place aux abords de la bibliothèque T.-A-St-Germain fait déjà jaser à l’aube de sa création. Des apparences de conflit d’intérêts ont été soulevées en lien avec les résultats du concours qui a mené à la sélection de l’artiste Étienne Paquette comme créateur de ladite œuvre.

Les collaborations antérieures entre l’artiste et la firme XYZ et sa division Cadabra, mandatée plus tôt dans le processus par la Ville de Saint-Hyacinthe pour développer le volet technologique de l’œuvre, sont au cœur de la controverse qui a d’abord été rapportée par Le Devoir le 26 avril.

Selon les règles du concours, les personnes qui ont un lien avec la firme XYZ (Cadabra) – ainsi qu’avec la Ville de Saint-Hyacinthe, Bibliothèques Saint-Hyacinthe et le Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe – n’étaient pas admissibles au concours.

Étienne Paquette, qui est un artiste indépendant, montre plusieurs collaborations avec XYZ au fil des ans. Il soutient cependant n’avoir jamais été salarié de l’entreprise. En entrevue avec LE COURRIER en mars, il avait spécifié qu’il avait engagé la firme dans le cadre de certains de ses projets artistiques. Le contexte était différent cette fois puisque XYZ avait été choisie par la Ville pour la conception technologique de l’œuvre avant qu’il se joigne au projet en tant que concepteur, directeur artistique et réalisateur de l’œuvre au terme d’un appel de projets.

M. Paquette a d’ailleurs affirmé au Devoir avoir été transparent dès le début du processus de sélection avec la Ville afin d’éviter tout malentendu et pour s’assurer de respecter les règles.

« La Ville était bien au fait que M. Paquette avait collaboré avec la firme XYZ inc. (Cadabra) par le passé, et ce, dès le début du processus de sélection, a indiqué la directrice des communications à la Ville de Saint-Hyacinthe, Lyne Arcand. Nous avons donc effectué plusieurs vérifications concernant la nature de ces précédentes relations d’affaires pour conclure que M. Paquette est un artiste pigiste et indépendant qui n’a jamais eu de lien d’emploi formel avec XYZ, bien qu’il ait travaillé avec cette dernière par le passé à titre de sous-traitant. Les faits ont été présentés au jury qui a statué que M. Paquette était admissible au concours. »

Cette situation a néanmoins soulevé des questionnements chez l’artiste Étienne Rochon, qui signe ses œuvres sous le nom Arthur Desmarteaux. Finaliste au concours pour la création de l’œuvre d’art numérique, il a évoqué « une préoccupation » en lien avec cette apparence de conflit d’intérêts. Il a d’ailleurs interpellé la Ville à ce sujet et on lui aurait répondu que tout était conforme et classé.

« Pour tout de suite, je ne pense pas qu’il faudrait fermer le dossier, a-t-il plaidé lorsque joint par LE COURRIER. Peut-être qu’il faudrait inviter un comité externe pour étudier le processus du concours et les résultats pour voir à quel point tout ça est légitime. »

« Dans l’appel de candidatures, il est bien indiqué que toute personne qui est liée à cette firme-là [XYZ (Cadabra)], qui est à la base du projet, n’est pas admissible, qu’elle soit auxiliaire ou permanente », ajoute-t-il.

M. Rochon, qui souhaite surtout protéger la communauté artistique d’iniquités, se questionne aussi sur le processus du concours lancé par la Ville pour la création de cette œuvre.

« En partant, c’est un concours qui est inusité, a-t-il mentionné. C’est très rare qu’on impose la collaboration avec une firme, comme Cadabra, et qu’on impose des matériaux, comme les guirlandes lumineuses [qui doivent être intégrées à l’œuvre], à l’artiste finaliste. D’habitude, on laisse la proposition plus ouverte pour avoir une variété plus grande de projets, mais là, il y avait cette contrainte importante et inusitée pour un concours d’art public. On voit ça très rarement. Habituellement, on peut choisir soi-même les fournisseurs, les compagnies partenaires et les matériaux pour faire le projet. »

La Ville, de son côté, soutient que le processus s’est déroulé ainsi pour donner vie à la vision qu’elle avait du projet, soit une « œuvre technologique et hybride qui serait à la fois artistique et à la fois un outil d’interprétation patrimonial porté par le Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe ». Le projet s’inscrit dans le cadre de la Politique d’art public de la Ville.

« Le choix a donc été fait de trouver d’abord une firme technologique capable de proposer une infrastructure technologique pour développer un projet incluant ces deux aspects et, ensuite, de faire un appel de projets pour le volet identité visuelle et artistique », a expliqué Lyne Arcand.

« Nous avons élaboré le concours en respectant la même démarche que ceux du programme d’intégration des arts à l’architecture, communément appelé le 1 %, avec quelques modifications, telles que les contraintes imposées à l’artiste (la technologie), a-t-elle poursuivi. Il a été convenu qu’un comité de sélection et qu’un jury, indépendant de la firme, serait mis en place pour faire la sélection de l’artiste. Le but était de choisir le concept le plus intéressant symboliquement et artistiquement. Nous souhaitions également choisir un artiste capable de collaborer avec de nombreux partenaires, avec une vision assez souple pour évoluer lors de la réalisation du projet en raison des nombreuses contraintes techniques et avec cette ouverture à faire résonner son œuvre avec le projet d’interprétation patrimonial. »

L’œuvre « Rivage » d’Étienne Paquette doit être installée aux abords de la bibliothèque T.-A.-St-Germain, près de l’entrée de l’avenue Bourdages Nord, d’ici la fin de l’année. Elle se déploiera sous la forme d’un monolithe lumineux animé par des spectacles holographiques qui sera entouré d’autres sculptures plus petites.

Le budget global prévu pour cette œuvre est de 575 925 $. De ce montant, une somme de 120 000 $ est accordée à l’artiste Étienne Paquette pour la réalisation de l’œuvre. Un montant de 30 000 $ est également inscrit au montage financier « pour pallier certains imprévus et assurer l’intégration de l’œuvre aux infrastructures existantes », a précisé Lyne Arcand, en spécifiant que cette portion du budget n’est pas destinée à l’artiste. La plus grande part du budget ira à XYZ, qui touchera au total 245 000 $ pour l’approche conceptuelle (25 000 $), les équipements technologiques (120 000 $) et la programmation technologique (100 000 $).

Le ministère de la Culture et des Communications du Québec contribuera au projet à la hauteur de 232 962,50 $ par le biais d’une Entente de développement culturel. La Ville assumera le reste de la facture, soit un montant de 342 962,50 $.

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