18 mai 2023 - 07:02
Cégep de Saint-Hyacinthe
Dans la tourmente
Par: Martin Bourassa
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

J’ignore comment les autres médias ont souligné la Journée mondiale de la liberté de presse le 3 mai, mais du côté du Courrier de Saint-Hyacinthe, nous l’avons passée en bonne partie à nous défendre contre des procédures judiciaires initiées par le Cégep de Saint-Hyacinthe.

Comme relaté dans l’édition du 11 mai, ce collège et son directeur général, Emmanuel Montini, ont utilisé tous les recours possibles pour empêcher la publication d’un reportage élaboré autour d’un rapport controversé commandé par l’Association des cadres du Cégep de Saint-Hyacinthe en 2021. L’envoi d’une mise en demeure par huissier a été suivi d’une demande d’injonction devant la Cour supérieure du Québec. Un juge a finalement rejeté la demande d’injonction peu avant 2 h du matin le 4 mai. Voilà ce qui explique les retards que nous avons connus dans la distribution du journal ce matin-là. Recevez pour cela les plates excuses de notre éditeur devant cette situation inédite. En 171 ans d’histoire, nous n’avons pu retrouver la trace dans nos archives d’une demande d’injonction d’une institution publique cherchant ainsi à museler notre journal. Le Cégep et son directeur général en ont aussi ajouté une couche en nous acheminant une seconde mise en demeure la semaine dernière, nous demandant d’effacer toute trace du fameux reportage sur le Web, de nous rétracter et de nous excuser. Nous n’avons rien fait de tout cela, sinon continué à faire notre travail de façon professionnelle. Vous pouvez d’ailleurs apprécier d’autres articles sur le collège ce matin.

Pour revenir au fameux rapport qui fait mal paraître le DG, certains se demandent peut-être en quoi publier un article sur le climat de travail malsain et l’état d’esprit des cadres il y a deux ans était d’actualité et d’intérêt public en 2023. Parce que la grogne se répand, tout simplement.

Il y a quelques semaines, nous avions été le premier média à faire écho au profond malaise existant entre la direction et les professeurs autour de la Commission des études. Le directeur général et le président du conseil d’administration avaient été jusqu’à écrire à l’ensemble du personnel pour déplorer des comportements inappropriés et émettre un avertissement général dans l’espoir que les comportements observés cessent. Le Devoir avait à son tour fait état de cette situation en manchettes, ce qui avait incité la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, à s’intéresser au dossier. Elle a aussitôt commandé à son ministère un état de la situation sur les allégations préoccupantes au Cégep de Saint-Hyacinthe.

Question d’aiguiller le fonctionnaire chargé du dossier, on l’invite à lire nos plus récents reportages. Il constatera rapidement que les problématiques dépassent largement le cadre de la Commission des études, où le directeur général proposait d’ailleurs de faire appel à un spécialiste de gouvernance pour revoir son fonctionnement. Un tel spécialiste devrait d’abord s’intéresser à la gouvernance même du Cégep de Saint-Hyacinthe et à son conseil d’administration. Puisqu’on sait maintenant que l’administrateur qui occupe le poste de président doit sa présence à un certificat honorifique que lui a remis le collège, l’envoyé spécial du Ministère serait en droit de questionner sa légitimité. Le président a-t-il toute l’indépendance requise pour encadrer ou recadrer son directeur général?

Dans la même veine, le conseil d’administration a-t-il entériné par résolution toutes les démarches juridiques engagées contre Le Courrier de Saint-Hyacinthe? Dans sa première mise en demeure, les procureurs du Cégep de Saint-Hyacinthe disaient avoir reçu pour instructions de nous la faire parvenir avec l’aval de l’Association des cadres. Est-ce conforme à la réalité? J’ose croire que le représentant du Ministère va poser toutes les questions pertinentes et transmettre les réponses à la ministre. À l’heure où le syndicat des professeurs réclame la démission du directeur général et du président du conseil d’administration, seul un vote de confiance de Pascale Déry à l’égard d’Emmanuel Montini pourrait contribuer à le maintenir en poste. La ministre est-elle disposée à le faire à ce stade-ci? Pour l’heure, endosser toutes les décisions du DG semble aussi risqué que de promettre un troisième lien entre Québec et Lévis.

Vu la mise en retrait du DG pour cause de maladie et la crise de gouvernance actuelle, la mise en tutelle du collège apparaît plutôt l’avenue à privilégier.

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