12 juillet 2018 - 00:00
Danseuses nues et humour de mononcle
Par: Le Courrier

Suis-je le seul à avoir ressenti un malaise devant la caricature du Courrier du 14 juin sur les bars de danseuses nues? 


Il y a dix ans, cette caricature m’aurait peut-être encore fait sourire. Parce que la blague qui circule depuis toujours veut que les jeunes femmes qui s’adonnent à ces danses le font pour payer leurs études – évidemment – et que les hommes vont les voir justement pour les encourager à poursuivre leurs études. Ha! Ha! Ha! Gros rires gras.

Si votre fille était dans ce milieu, vous trouveriez la caricature drôle?

Le mouvement #MoiAussi nous invite – nous, les hommes ordinaires, bien élevés et qui se disent respectueux des femmes – à mettre fin à ce genre de blague d’une autre époque. Pourquoi? Parce que ça cache quelque chose qui n’est pas drôle du tout.

De fait, cette caricature affiche une part de mépris pour les femmes qui vivent – et souffrent – de ces métiers. Quand on y réfléchit un instant, le propos de la caricature sous-entend que ces femmes auraient moins de valeur ou seraient moins intelligentes parce que souvent moins éduquées. Au fond leur sort importe peu, car elles sont de petite vertu ou de classe inférieure; c’est le jugement que porte sournoisement cette caricature.

Bien sûr ce n’est pas ce qui dit explicitement l’auteur de la caricature, ni sans doute son opinion. Mais c’est exactement de ça qu’il faut prendre conscience : on ne se rend pas compte du message que peut envoyer notre propos jugé banal tellement notre conditionnement est fort par rapport aux femmes.

Commentant les conséquences du mouvement #MoiAussi dans Le Devoir en mars dernier, le professeur de sociologie à l’UQAM Marcos Ancelovici disait : « On a eu Rozon, Weinstein, oui. Mais c’est infime par rapport à l’ampleur du problème. Tout le sexisme ordinaire, au quotidien, ça passe encore sous le radar. »

Nous sommes en 2018. On peut rire de tout, encore faut-il trouver le bon angle. Ce n’était pas le cas ici. Il est temps de mettre fin à cette forme d’humour en apparence sans conséquence, mais qui, sous le radar, véhicule préjugés, stéréotypes et rabaisse.

Nous sommes tous invités à poursuivre notre prise de conscience collective et, au nom de la dignité humaine, à faire preuve de plus de discernement et d’humilité.

Robert Marquis, Saint-Hyacinthe

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