31 Décembre 2015 - 00:00
De la magie pétrolière
Par: Le Courrier

Tout un titre, n’est-ce pas? ­Néanmoins, c’est la caractérisation la plus appropriée quand il est temps de parler de cette sphère d’activités qu’est l’extraction pétrolière. Il n’y a pas d’autres mots, le pétrole a des ­vertus magiques! Il fait perdre la raison aux ­investisseurs publics, institutionnels et ­privés. Cela doit être l’odeur. ­Personnellement, j’ai la tête qui tourne chaque fois que je vais dans une station-­service où je dois payer l’essence plus de 1,15 $. Ce qui arrive en particulier les ­weekends, curieusement. Parfois, ô miracle, la pompe indique 99,9 cents – ce qui donne la satisfaction symbolique de se dire qu’on ne paie pas 1,00 $ le litre d’essence.

Quelle serait donc cette vertu magique dont je parlais tout à l’heure? Peu importe ce qui se passe sur les marchés mondiaux, vous paierez un prix trop élevé pour la valeur du produit.

Toute la chaine de production fera des ­profits, sauf le consommateur qui écope, sans trop se plaindre. C’est mystérieux! Pourrait-on m’expliquer comment il se fait qu’avec un baril de pétrole à 40 $ sur les ­marchés depuis plusieurs mois, on paie ­encore aussi cher pour l’essence, les ­aliments et les produits manufacturés? Le capitalisme, si on en croit les économistes, fonctionne selon le principe de l’offre et de la demande. Si l’offre augmente et que la demande est stable, les prix devraient baisser. Or, l’Arabie Saoudite inonde le marché en augmentant sa production, ce dont témoigne la baisse du prix du baril. Veut-elle tuer le marché du pétrole de schiste aux États-Unis (ils approchaient de l’autarcie ces dernières années)? Ou peut-être a-t-elle pris sa carte de membre chez Équiterre et décidé qu’elle n’aimait pas les sables bitumineux? Toujours est-il que cette augmentation de la production devrait être favorable au consommateur. Oui, mais non. Par un effet bizarre, le prix du panier d’épicerie augmente, le coût des transports reste stable, ou à peu près, et le litre d’essence se vend un peu cher, ma foi. C’est la magie pétrolière. Je ne conclurai pas que le capitalisme ne fonctionne pas (ou que la main invisible du marché est en train de faire un geste grossier, mais derrière les rideaux), cependant il doit y avoir un défaut quelque part. Car, si ce n’est pas le cas, la magie existe pour de vrai et je viens d’en faire la démonstration.

Je ne crois pas à la magie, alors je crains que, plus tôt que tard, le défaut se fasse ­sentir et que ses vapeurs rendent toute l’économie malade. Ne voyez-vous pas la parade des ­pétrolières qui continuent d’investir dans les sables bitumineux et dans le pétrole de schiste ou le gaz du même nom, même si ce n’est pas rentable? Que les retraites des ­Québécois financent ce délire par le biais de la Caisse de dépôt et placements? Que les gouvernements continuent à subventionner cette industrie très polluante et qui ne fera même pas de profits? N’êtes-vous pas ­frappés par cette absurdité : c’est à perte que l’on détruit l’environnement. Je vois le mur du quai 9 3/4; passerons-nous au travers comme dans Harry Potter? Quel bruit fait une bande de clowns qui se fracasse sur un mur de la gare de King’s Cross? J’aimerais mieux ne jamais avoir à l’apprendre.

image