18 novembre 2021 - 07:00
Projet du réalisateur maskoutain Martin Fournier
Dehors, Serge, Dehors, une « lettre d’amour » aux proches aidants
Par: Maxime Prévost Durand
Le réalisateur maskoutain Martin Fournier a fait équipe de nouveau avec Pier-Luc Latulippe pour le documentaire Dehors, Serge, Dehors. Photo Bianca des Jardins

Le réalisateur maskoutain Martin Fournier a fait équipe de nouveau avec Pier-Luc Latulippe pour le documentaire Dehors, Serge, Dehors. Photo Bianca des Jardins

« Ça va te faire mal quand tu vas regarder le film, mais c’est pour t’aider que je le fais, par amour aussi », lance Anna, la femme de Serge Thériault, dès le début du documentaire.Photo Cheval Films

« Ça va te faire mal quand tu vas regarder le film, mais c’est pour t’aider que je le fais, par amour aussi », lance Anna, la femme de Serge Thériault, dès le début du documentaire.Photo Cheval Films

Le documentaire Dehors, Serge, Dehors, qui fait grand bruit depuis sa sortie la semaine dernière, porte une signature maskoutaine : celle du réalisateur Martin Fournier. Faisant de nouveau équipe avec Pier-Luc Latulippe, avec qui il avait livré Manoir en 2015, le cinéaste dévoile une « lettre d’amour » aux proches aidants et à la famille de Serge Thériault dans un film où l’on apprend que le comédien bien connu (La Petite Vie, Les Boys, Ding et Dong) est affecté par une importante dépression qui le confine chez lui depuis six ans.

Il n’est pas question de voyeurisme ou de sensationnalisme ici. Ce projet en est un de cœur et a été mené avec les meilleures intentions. D’ailleurs, bien qu’il ait donné son aval au documentaire, Serge Thériault n’y apparaît pas, outre de très brefs passages justifiés. Mais jamais il ne s’adresse à la caméra.

Les projecteurs sont plutôt tournés vers sa femme, Anna, qui tente tant bien que mal de garder le fort à travers cette épreuve où on la voit à bout de ressources. Elle espère, avec leur fille, Melina, « un miracle » pour aider son conjoint à se sortir de sa torpeur. Leurs voisins, Robert et Jolande, avec qui ils partagent un duplex, apportent aussi leur soutien à la famille avec leur bienveillance. Ils sont d’ailleurs le seul contact extérieur de M. Thériault.

« C’est un film avant tout sur les proches aidants et leur réalité à eux, qui est méconnue, indique dès le départ Martin Fournier en entrevue téléphonique avec LE COURRIER. C’est important pour nous [moi et Pier-Luc] d’ouvrir le dialogue sur cette réalité et de mettre en lumière l’accomplissement exceptionnel de ces personnes. On connaît tous quelqu’un, que ce soit un parent ou un ami, qui aide quelqu’un qui souffre, et ce sont souvent des gens dans l’ombre. […] On a choisi de mettre la lumière sur eux. »

Une rencontre bouleversante

Intrigués de ne plus voir Serge Thériault dans le paysage télévisuel et cinématographique québécois, Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe ont voulu découvrir pourquoi, d’abord et avant tout en tant qu’admirateurs du comédien.

« On se demandait où il était rendu, ce qu’il faisait, pourquoi il s’était retiré, dit le Maskoutain, particulièrement marqué par son rôle dans le film Gaz Bar Blues. On avait entendu des trucs, mais on ne savait pas trop ce qu’il en était. »

De fil en aiguille, le duo a trouvé l’adresse de M. Thériault et a décidé, en 2017, de se présenter à sa résidence avec une plante et une lettre en guise de présent. À leur arrivée, les deux hommes ont croisé Anna à l’extérieur et elle leur a expliqué que son conjoint ne voulait rencontrer personne.

« On a appris [en parlant avec elle] qu’il était confiné et qu’il ne sortait pas. On est repartis au bout de 15-20 minutes, chamboulés par cette rencontre parce qu’on apprenait qu’il souffrait, ce qu’on ne savait pas, et que sa famille souffrait aussi. On s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser cette dame-là seule. Il fallait l’aider à titre humain avant tout. On a gardé contact avec elle pendant des semaines et des mois. Ça a duré un an et demi. On lui a apporté du soutien et de l’aide, on essayait de trouver des solutions », soutient Martin Fournier, qui a fait un baccalauréat en psychologie à l’Université de Montréal et à l’Université d’Ottawa, en plus de travailler en relation d’aide avant de devenir réalisateur.

« On a contacté des psychiatres, des psychologues et différentes ressources pour voir comment aider la famille et M. Thériault, mais on nous disait pas mal toujours la même chose : on ne peut pas vraiment aider quelqu’un qui souffre s’il refuse de se faire aider, poursuit-il. Après un an et demi, on s’est dit que si on n’était pas capable de trouver une solution de cette façon, peut-être que l’idée d’un film pourrait voir le jour. »

Martin Fournier et Pier-Luc Latulippe se sont donc assis avec Anna pour leur présenter leur projet et elle a accepté. Les voisins aussi. Pourquoi? « Je ne peux pas répondre pour elle, dit le Maskoutain à propos de la décision d’Anna de participer au documentaire. Peut-être qu’elle a senti qu’on était là pour les bonnes raisons, pas pour être des voyeurs. On était là avec notre cœur avant tout. »

L’intention est d’ailleurs tout sauf mercantile. « Ce sont des projets faits avec une approche artisanale, que l’on fait sur du long terme. Ce n’est presque pas payé, ce sont des peanuts qu’on reçoit pour faire ça, mais pour nous, c’est important de prendre le temps, de le faire à notre façon et de ne pas être pressés. C’est ça la beauté du documentaire, d’avoir le temps de filmer et de rencontrer les gens. C’est pour ça que la confiance s’installe. »

Une projection spéciale de Dehors, Serge, Dehors se tiendra au Cinéma Saint-Hyacinthe le mardi 23 novembre à 19 h 15. Les deux réalisateurs seront présents pour répondre aux questions du public de même que Robert, le voisin de M. Thériault, que l’on voit dans le documentaire.

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