12 décembre 2019 - 15:00
D’émouvants témoignages pour l’école Raymond
Par: Rémi Léonard
Des élèves qui sont passés par l’école Raymond ont bien voulu témoigner de leur parcours scolaire, qui a été en quelque sorte « sauvé » par leur passage dans cet établissement. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Des élèves qui sont passés par l’école Raymond ont bien voulu témoigner de leur parcours scolaire, qui a été en quelque sorte « sauvé » par leur passage dans cet établissement. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Élèves, parents, enseignantes ou professionnelles, tous ceux qui semblent graviter de près ou de loin autour de l’école Raymond ont tenu à témoigner de la pertinence d’un tel établissement pour la réussite des jeunes à l’occasion d’une consultation publique tenue le 3 décembre par la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe (CSSH).

L’exercice qui s’est déroulé devant le conseil des commissaires visait à entendre les personnes intéressées à se prononcer sur le projet de réorganisation scolaire dévoilé publiquement en novembre, mais la soirée a plutôt pris la forme d’un plaidoyer presque ininterrompu en faveur du modèle de l’école Raymond, étant donné que la fermeture de l’établissement est prévue dans la réforme proposée par la CSSH.

Des témoignages personnels particulièrement éloquents sont venus de trois élèves ayant fréquenté l’école Raymond à un moment dans leur cheminement. Tous l’ont décrit comme un tournant marquant qui leur a permis de s’accrocher à un parcours scolaire, qui, pour une fois, a fonctionné. « Ma vie a changé », a carrément avoué l’un d’eux. « Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose a cliqué. Je suis enfin sorti de ma bulle, les autres ont commencé à m’apprécier… J’étais quelqu’un », a-t-il exprimé en parlant de ses années à Raymond.

Pour une autre, c’est tout simplement « une nouvelle vie » qui a débuté dans cette école. « J’étais tannée d’essayer, mais l’ambiance à Raymond m’a donné envie de me lever tous les matins pour aller à l’école », a-t-elle livré en parlant de « l’hospitalité » de ce petit milieu. « Là-bas, on ne se sent pas isolés. On a tous eu des problèmes, on est tous dans la même gang… tous égaux », a livré un autre en décrivant cette communauté comme une « petite famille » et les adultes comme des personnes « qui se donnent corps et âme » pour leurs élèves. « On dit souvent qu’on pleure deux fois à Raymond : quand on y entre, parce qu’on a peur, et quand on en sort, parce qu’on réalise que c’est la plus belle chose qui nous soit arrivée », a aussi illustré une personne de l’équipe-école.

Oui, mais…

Si personne n’a pu nier le bienfait de cette école sur ces jeunes, qui projettent d’ailleurs une image à mille lieues de l’étiquette de « délinquant » que certains accolent par méconnaissance à l’école Raymond, des commissaires ont voulu chercher à savoir si le succès de l’établissement tient vraiment à la « bâtisse » ou plutôt à la qualité de l’encadrement qu’on y dispense. Bref, si on peut reproduire ces réussites même en changeant d’environnement.

Ce serait « utopique », ont défendu plusieurs enseignantes et professionnelles qui sont venues au micro par la suite. Il serait en effet impossible d’accorder un service comparable dans une « grande école » traditionnelle où les ratios intervenants-élèves ne sont pas les mêmes, ont-elles souligné. Difficile de croire qu’on puisse se rendre aussi disponible pour un élève dans une école qui en compte plusieurs centaines, comparativement à un environnement où tout le monde se connaît, a aussi illustré l’une d’elles.

Si les programmes actuellement offerts à l’école Raymond étaient à l’avenir dispensés dans au moins deux autres écoles, l’expertise serait nécessairement diluée, ont aussi souligné plusieurs acteurs du milieu scolaire. C’est aussi ce qu’ont fait valoir d’autres intervenantes travaillant en adaptation et en intégration scolaire, un enjeu qui est passé beaucoup plus inaperçu jusqu’à maintenant. Ces services étant actuellement regroupés à la polyvalente Hyacinthe-Delorme, elles craignent que leur implantation dans d’autres écoles ne cause une « dispersion de l’expertise » dans le réseau. Avec moins d’élèves dans chaque école, une telle réforme favoriserait aussi les regroupements de niveaux ou d’âges au sein d’une même classe, ont-elles mis en lumière.

Données biaisées?

Pourtant, le modèle de la polyvalente Robert-Ouimet à Acton Vale (où plusieurs services sont regroupés sous un même toit) fonctionne bien, a soulevé le président de la CSSH, Richard Flibotte. La commission scolaire s’était en effet basée sur cet exemple pour élaborer sa nouvelle offre de services, avec l’objectif de maintenir l’élève dans son école durant tout son secondaire.

Même que les données disponibles semblaient montrer un nombre inquiétant d’abandons à l’école Raymond, comparativement à ce qui se voit à Acton Vale. Or, des intervenants ont remis en question les chiffres fournis aux commissaires, totalement trompeurs, selon eux. Il est impossible de dénombrer 102 abandons en une année, tel que décrit, dans une école de 130 élèves, ont-ils plaidé. Comme les jeunes doivent quitter l’école Raymond à 18 ans, beaucoup de départs comptent sans doute dans ces chiffres, mais il ne s’agit en rien d’abandons, ont-ils avancé. « Il faut vivre l’école Raymond pour la comprendre », a d’ailleurs lancé une participante à la consultation.

Une affirmation qu’a semblé partager le commissaire Jean-François Messier, qui a déploré que les commissaires n’aient pas eu accès à un meilleur contact avec la réalité du terrain ces dernières années. Il a aussi été le seul à soulever la question du manque d’espace, en affirmant clairement que les besoins au primaire deviendront rapidement problématiques si l’école Raymond restait au secondaire. « Depuis mon arrivée au conseil des commissaires, j’ai toujours senti que l’école Raymond était en sursis et qu’on attendait l’occasion pour répartir ses ressources », a-t-il affirmé. M. Flibotte a alors tenu à le contredire, affirmant que l’enjeu n’est pas là. « S’il manque d’espaces au primaire, on fera une nouvelle demande d’ajout au Ministère », a-t-il résumé.

Devant les beaux exemples de succès présentés ce soir-là, d’autres commissaires ont insisté pour qu’on pense aussi aux élèves qui ne se rendent pas à Raymond, et qu’on « échappe » dans le réseau public. De toute évidence, il n’y a pas de parcours unique qui puisse convenir à tous les élèves, encore moins à ceux en difficultés. Devant ce constat, développer plusieurs alternatives semble donc une manière logique de favoriser la réussite. L’école Raymond pourrait ainsi n’être que l’une d’entre elles. En ce moment, elle est plutôt considérée comme « la dernière ligne » de protection contre le décrochage, tel qu’a souligné un intervenant.

Finale discordante

Seuls les représentants des cadres et des directions d’écoles sont intervenus en faveur de l’offre proposée par la CSSH, disant vouloir favoriser avant tout le « continuum de services » aux élèves. Éviter les « transitions » permettrait effectivement d’améliorer les chances de réussite, ont-ils plaidé.

Plusieurs intervenants ont aussi souligné le court délai entre la soirée d’information et la consultation et déploré le manque d’information disponible pour se prononcer sur les orientations proposées. Devant la quasi-unanimité exprimée ce soir-là en défaveur du projet de réorganisation, Richard Flibotte a tenu à préciser que le conseil des commissaires a néanmoins reçu d’autres mémoires de groupes appuyant le projet, mais qui ne se sont pas exprimés en consultation. C’est avec tout ce bagage que les commissaires pourront prendre leur décision, prévue pour janvier, et qui « ne sera pas simple », a-t-il reconnu.

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