« J’ai fait plusieurs autres voyages, dont au Sénégal et en Afrique du Nord, mais sincèrement, Haïti est selon moi le plus dépaysant. Comme la coopération internationale dans ce pays est très souvent décriée, j’ai voulu aller voir par moi-même de quoi il en retournait vraiment », raconte au COURRIER Élise Vaillancourt, bachelière en Développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa.
Dans le cadre du Programme de stages internationaux pour les jeunes de l’ACDI, elle participa avec l’IRATAM à des recherches sur la gestion des risques naturels afin d’appuyer la commune de Sainte-Suzanne dans la construction de protocoles d’urgence en cas de désastres naturels. Un groupe de jeunes secouristes fut aussi formé avec la collaboration de Mme Vaillancourt, afin de créer un plus grand sentiment d’appartenance pour les 16-25 ans qui quittent très souvent pour les grandes villes.
L’abondance et la misère
Installée à Sainte-Suzanne (Sent Sizàn en créole haïtien), elle a eu l’occasion de découvrir une communauté sans aucune infrastructure routière ni électricité. « C’est une région agricole à plus de 90 %. On y cultive du café, des avocats, des oranges, des arbres à pain, des grenadines ou des légumes racines comme l’igname. Il y a près de 25 000 habitants dans la commune qui est très étendue; il faut donc toujours marcher longtemps pour aller rencontrer quelqu’un! »
Dans cet environnement très riche en terres fertiles et en arbres fruitiers vit une population pauvre, religieuse et sociable. « En Haïti, tout est social et collectif! C’est très dur d’avoir une vie privée, tout le monde se mêle de tout. À Sainte-Suzanne, les gens ont l’église, le cinéma – en fait il s’agit d’un simple local avec une télé 10 pouces – et quelques cours de karaté donnés gratuitement. Ils ont peu, mais tout est propice aux rencontres. » Pour en apprendre plus sur les gens et leur vie quotidienne, Élise Vaillancourt a participé à de nombreuses manifestations culturelles et religieuses comme des cérémonies vaudou, des rassemblements à l’église ou des soirées cinéma qu’elle a organisé à quelques reprises. « Ce n’est pas une région très touristique, car c’est trop isolé. Même ceux qui voyagent en sac à dos ne viennent pas jusqu’ici! Pourtant, il y a des monuments magnifiques tout près, comme les ruines du Palais Sans-Souci ou la Citadelle. Ce tout fait d’ailleurs partie d’un ensemble reconnu par l’UNESCO. Il ne faut pas oublier qu’Haïti fut la première république noire indépendante au début du 19 e siècle. »Comme voyage rime souvent avec tradition culinaire différente de la nôtre, la Maskoutaine se souvient d’avoir mangé beaucoup de poulet et de riz, une salade de chou épicé qu’elle adorait, des bananes plantains et des jus de fruits frais succulents. « Présentement, à Sainte-Suzanne, la mode est au spaghetti au déjeuner! Par contre, au souper, nous mangions une sorte de pain très dur vraiment pas bon avec du beurre d’arachide épicé. Par chance que j’aimais le beurre d’arachide et les énormes avocats que je mangeais le matin! »
Des plages inaccessibles
Pour les deux derniers mois de son stage, Élise Vaillancourt s’est retrouvée à Cap-Haïtien, une ville de 185 000 habitants tout près de la frontière avec la République Dominicaine.
Bordé de plages paradisiaques et haut lieu d’escale pour plusieurs croisières – en fait les croisières accostent à la station balnéaire privée de Labadie tout près -, Cap-Haïtien est pourtant une ville composée d’une population très pauvre qui est tenue à l’écart de ces beautés et lieux touristiques. En effet, une armada de sécurité privée et de clôtures isolent ces plages du reste de la ville. « À chaque coin de rue à Cap-Haïtien il y a des casques bleus de l’ONU qu’ils soient du Chili, de la Colombie ou du Canada. La séparation entre les riches, une très très petite minorité, et les pauvres est incroyable en Haïti. Que ce soit sur les plages de touristes ou dans un quartier de Port-au-Prince comme Pétion-Ville, nous nous rendons vite compte que ce décalage est indécent. Comme les riches contrôlent également le pouvoir politique et l’élite, la redistribution de la richesse est un concept quasi inexistant dans ce pays », conclut Mme Vaillancourt.