18 avril 2024 - 03:00
Rejets d’eaux du Centre de traitement de la biomasse de la Montérégie
Des citoyens exigent une surveillance rigoureuse
Par: Sarah-Eve Charland
Jacques Tétreault, Louis Robert et Pierre Renard exigent une meilleure surveillance des eaux rejetées dans le ruisseau des Glaises par le CTBM à Saint-Pie. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

Jacques Tétreault, Louis Robert et Pierre Renard exigent une meilleure surveillance des eaux rejetées dans le ruisseau des Glaises par le CTBM à Saint-Pie. Photo Robert Gosselin | Le Courrier ©

L’agriculteur saint-pien Pierre Renard a observé, un matin d’automne en 2022, que l’eau du ruisseau des Glaises, où sont déversées les eaux usées du Centre de traitement de la biomasse de la Montérégie (CTBM), semblait de très mauvaise qualité. Après avoir fait quelques tests, il a entamé un véritable parcours du combattant pour obtenir une meilleure transparence de la part de l’entreprise.

Ses démarches se sont amorcées lorsqu’il a commencé à tester des échantillons d’eau à l’endroit où se trouvent les rejets d’eaux usées de l’entreprise, avec un spectromètre. L’agriculteur a effectué cinq autres tests, dont deux qui présentaient des résultats inquiétants, estime-t-il. Avant de sortir dans les médias, il a préféré sensibiliser l’entreprise, mais en vain. « On est loin du compte pour dire que le cours d’eau est en bon état », affirme M. Renard.

Le CTBM est une usine de biométhanisation, située à Saint-Pie, qui traite les matières résiduelles liquides et semi-liquides provenant des industries agroalimentaires et commerciales ainsi que le lisier et les boues organiques. Selon le certificat d’autorisation, l’entreprise peut traiter jusqu’à 70 000 tonnes métriques de boues.

De l’intérieur

M. Renard, aussi membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain (CCCPEM), a pu visiter les installations en décembre 2022, visite durant laquelle on a procédé à l’analyse d’échantillons relevés dans le ruisseau des Glaises, un pris par M. Renard près de 40 minutes avant le rendez-vous et un autre prélevé par l’entreprise. Les deux résultats se sont avérés différents. L’échantillon de l’entreprise ne révélait aucune trace de phosphore, mais celui du citoyen présentait une présence dépassant 2,16 ppm de phosphore.

Notons que la présence accrue de phosphore peut accélérer la croissance d’algues et de plantes aquatiques, créant une eutrophisation du cours d’eau. Selon le ministère de l’Environnement, le critère de protection contre l’eutrophisation des cours d’eau se situe à 0,03 ppm de phosphore.

Par la suite, sa relation avec l’entreprise s’est détériorée. L’agriculteur s’est alors tourné vers le ministère de l’Environnement où il a obtenu bien peu de réponses. Il s’est offusqué toutefois d’apprendre que le CTBM procède à un processus d’autosurveillance qui consiste à prélever lui-même des échantillons qui sont analysés par le Ministère.

LE COURRIER a également contacté le Ministère. Selon les réponses obtenues, des inspections sont menées par le Ministère de manière impromptue et sans préavis. Depuis 2004, neuf inspections ont été réalisées. « C’est une bonne nouvelle, mais pourvu qu’on puisse avoir les résultats. Ça donne quoi s’ils travaillent en circuit fermé et qu’on ne peut pas rassurer les citoyens? On n’a aucune information. Est-ce qu’il y a eu des dépassements, des sanctions? On ne sait pas », déplore M. Renard.

LE COURRIER a également fait des demandes en vertu de la Loi sur l’accès aux documents d’organismes publics et a pu obtenir les rapports d’inspection près de huit mois après avoir fait la demande. Parmi ces inspections, le Ministère a prélevé à deux reprises des échantillons, mais a transmis les résultats d’une seule des deux analyses. Tout était conforme, mais on soulignait que les taux de nitrite et de nitrates étaient très élevés même si aucune norme n’est imposée.

L’été dernier, M. Renard a d’ailleurs fait le même constat. Il a fait analyser des échantillons auprès d’un laboratoire certifié qui a révélé un niveau de nitrate très élevé. Selon le ministère de l’Environnement, une concentration plus élevée de nitrate et de nitrite peut augmenter la toxicité de l’eau pour la vie aquatique.

Se regrouper

L’agriculteur s’est allié à d’autres citoyens pour dénoncer le manque de transparence concernant la qualité des rejets du CTBM dans le ruisseau des Glaises. Il souhaite également une plus grande surveillance de l’entreprise de la part des autorités.

« Ce n’est pas parce qu’une forme d’énergie est dite renouvelable qu’elle est pour autant sans danger pour l’environnement et l’humain. Aujourd’hui, nous dénonçons une de ces lacunes, soit l’absence ou presque de surveillance de la part du ministère de l’Environnement de l’usine de biométhanisation de Saint-Pie », a souligné l’ex-président du CCCPEM, Jacques Tétreault.

De son côté, l’agronome et résident de Saint-Pie Louis Robert a rappelé l’état du bassin versant de la rivière Yamaska. « La rivière Yamaska a besoin d’amour. C’est l’une des rivières les plus chargées en phosphore. Selon une étude récente, parmi les 19 bassins versants de la plaine du Saint-Laurent, la rivière Yamaska était la plus endommagée. Ça va prendre des efforts continus [pour améliorer la qualité de l’eau]. C’est une pollution industrielle qui se fait en toute impunité ou à peu près. Il y a un manque de transparence », ajoute M. Robert.

Contactée par LE COURRIER, l’entreprise n’a pas souhaité commenter.

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