« Ça veut dire que tout le temps qu’on y a mis et toutes les rencontres qu’on a eues, c’était pour rien. […] Ils savaient que c’est un dossier délicat, mais personne ne s’est dit qu’il fallait suivre le dossier de près. Nos élus arrivent aujourd’hui et disent qu’ils se sont fait avoir. Je n’en reviens pas », affirme le résident du quartier Daniel Bourgault.
Ce dernier avait d’ailleurs initié la signature du registre visant à s’opposer au changement de zonage nécessaire à la construction de triplex jumelés. Ayant amassé un nombre suffisant de signatures, il avait ainsi obligé le conseil municipal à reculer. Un peu moins d’un an plus tard, le maire de Saint-Hyacinthe, André Beauregard, et le conseiller municipal du district Douville, David-Olivier Huard, ont rencontré plusieurs citoyens mécontents du secteur afin de trouver un terrain d’entente.
En collaboration avec le promoteur Groupe Héritage, ils ont convenu que les immeubles n’auraient pas de balcon ni d’escalier extérieur et pas de système de climatisation à l’arrière des bâtiments, donnant directement sur la cour des résidences existantes. Il était aussi convenu qu’une butte végétalisée composée d’arbres atteignant cinq ou six pieds en hauteur soit aménagée afin d’offrir une intimité aux voisins.
Quatre premiers immeubles ont donc été construits à l’automne 2023 dans le respect de l’entente conclue verbalement avec les résidents. Sauf que le promoteur a ensuite déposé une nouvelle demande de permis pour la construction de quatre autres immeubles. Et cette fois-ci, le projet ne respecte pas les conditions convenues entre les parties. Mais puisque la demande respectait la réglementation en vigueur, le permis a été délivré sans que le dossier soit soumis aux élus.
La construction a débuté l’automne dernier et les nouveaux bâtiments ont tous des balcons et des escaliers extérieurs à l’arrière. Ils sont d’ailleurs érigés directement derrière les résidences des citoyens qui s’étaient plaints à l’époque, dont Ghislain Houde, Daniel Bourgault et Steven Riel, qui ne croient pas à une coïncidence.
Se fier sur la bonne foi
Le maire de Saint-Hyacinthe a admis en séance du conseil qu’il s’était commis dans ce dossier sans savoir qu’il n’avait pas les pouvoirs de faire appliquer les conditions.
« Le Groupe Héritage avait l’air de bonne foi. Finalement, ils ont déposé un projet qui ne fait pas notre affaire, tout comme il ne fait pas votre affaire, mais on essaie de travailler avec eux pour améliorer la situation. On n’avait rien dans notre réglementation qui nous empêchait de délivrer le permis. On n’avait aucune emprise. C’est ce qu’on a appris. On s’est fait coincer. On pensait qu’on était solides, mais on s’est aperçus qu’on ne l’était pas. Je suis autant frustré que vous parce que ce n’est pas ce à quoi je m’attendais », poursuit-il.
Afin de répondre aux attentes des citoyens, la Ville aurait dû modifier le zonage, reconnaît la directrice générale de la Ville de Saint-Hyacinthe, Chantal Frigon. « Les ententes qu’on a eues au départ étaient de gré à gré. On ne pouvait pas forcer les promoteurs à aller dans une direction, mais on a négocié, notamment, l’aménagement d’une zone tampon… qui n’a pas été simple. On n’a pas de poignée légale autre que la réglementation municipale. A posteriori, est-ce qu’on aurait dû faire des changements réglementaires? Probablement. On a appris de ça. […] On sait qu’on devra faire autrement [la prochaine fois]. Il faut trouver une solution », répond-elle.
« Ils [les élus] sont complaisants avec les promoteurs, dénonce simplement Ghislain Houde. On a fait confiance aux élus, mais ils n’avaient pas les moyens de leurs ambitions. On se rend compte qu’ils n’ont pas de pouvoir. Ils l’ont dit en séance du conseil qu’ils auraient dû changer le zonage. Ils avaient trois ans pour le faire, mais ils ne l’ont pas fait. »
Loin d’être satisfaits
Chantal Frigon assure que la Ville, en collaboration avec le promoteur, est à la recherche de solutions. Ghislain Houde ne demande qu’à être convaincu. « Je ne lâcherai pas le morceau. Je ne veux pas juste un paravent devant les escaliers. Les gens vont circuler à l’arrière. Ça va faire du bruit. On n’aura plus d’intimité. »
« J’en ai fait, de la rénovation. Ça se coule du béton. Tout se fait et se refait. Ils sont capables d’ajouter une rallonge pour intégrer les escaliers à l’intérieur », ajoute Daniel Bourgault.
Le seul point positif est l’aménagement d’une butte végétalisée, une condition qui n’a pas été simple à faire respecter. Elle était d’abord placée trop près de la ligne médiane au goût des voisins. Elle a été reculée par le promoteur après des discussions avec la Ville. Une série de cèdres d’environ deux pieds a été installée. « On avait demandé une végétation d’une hauteur de cinq à six pieds. C’est où ça? On ne la voit pas. Au moins, il y a des cèdres », ajoute M. Bourgault.
Au moment de mettre sous presse, le Groupe Héritage n’avait pas retourné notre appel.