17 novembre 2022 - 07:00
Coopérative régionale d’électricité de St-Jean-Baptiste-de-Rouville
Des envies de grandeur
Par: Martin Bourassa
Martin Bourrassa

Martin Bourrassa

Qui trop embrasse mal étreint. C’est le proverbe qui m’est tout de suite venu à l’esprit quand j’ai appris que la très petite et très unique Coopérative régionale d’électricité de St-Jean-Baptiste-de-Rouville souhaitait se lancer dans la biométhanisation et/ou l’éolien, voire carrément les deux domaines à la fois. C’est beaucoup, non?

Dans la vie, je suis de ceux qui apprécient les gens et les organisations qui font preuve d’ambition, voire ceux et celles qui en ont plus que pas assez. Dans le cas de la coop d’électricité, on peut certes affirmer qu’elle en a à revendre.

A-t-elle pour autant les moyens de ses ambitions? Cela semble beaucoup moins sûr, mais je n’ai pas retrouvé la trace de ses états financiers sur son site Internet.

Faute de chiffres à nous mettre sous la dent, tenons-nous-en aux récents faits communiqués par la coop. Sur ce point, on ne pourra jamais reprocher à ses dirigeants de rêver petit. Ils ont pris les grands moyens pour faire parler d’eux.

En l’espace de quelques semaines, ils ont présenté à la presse régionale et aux intéressés non pas un, mais deux projets de développement majeurs dans l’énergie verte. L’un pour alimenter la filière de la biométhanisation, le second pour enrichir celle de l’énergie éolienne. Avec le biogaz, on projette la construction d’une usine de biométhanisation sur une terre agricole de Saint-Damase.

Bien qu’une soirée d’information soit prévue le 29 novembre, nous en connaissons déjà les grandes lignes. Alimentée au lisier et aux résidus agricoles, elle aurait la capacité de traiter et de transformer 70 000 tonnes de déchets par année afin d’alimenter en gaz renouvelable le réseau d’Énergir. L’investissement n’a pas été chiffré à ce stade-ci, mais on le devine substantiel. Pour la petite histoire, rappelons que l’usine de la Ville de Saint-Hyacinthe, d’une capacité de traitement de près de 200 000 tonnes de matières organiques, a nécessité des investissements de l’ordre de 80 M$. Québec a contribué à la hauteur de 42,2 M$, Ottawa pour 11,4 M$ et la Ville de Saint- Hyacinthe pour 27 M$.

Pour réaliser son projet à Saint-Damase, il faudra donc à la coopérative bien plus que le feu vert de la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Il lui faudra des engagements généreux des gouvernements supérieurs et aussi des poches profondes compte tenu des risques et périls liés à la biométhanisation où la concurrence et les écueils sont bien présents. Parlez-en à la Ville de Saint- Hyacinthe qui, 12 ans après s’être lancé dans cette aventure, commence à peine à dompter cet animal et à dégager des semblants de profits. À cet effet, nous vous présentons un reportage fort éclairant sur la performance de l’usine maskoutaine dans cette édition (voir page 16).

Quand on sait que la coop mise déjà sur l’octroi de subventions pour compléter son étude de faisabilité, il est permis de s’interroger sur sa capacité à supporter des projets aussi ambitieux. La même logique s’applique, sinon davantage, au parc éolien d’une valeur de 200 M$ qu’elle souhaite implanter en zone agricole à Sainte-Brigide-d’Iberville et à Sainte-Angèle-de-Monnoir. Sur papier, ce projet comprenant l’installation d’une quinzaine d’éoliennes semble plus avancé que celui de Saint-Damase puisque quelques études ont été réalisées par la coopérative. Pour ce qui est de l’acceptabilité sociale et du montage financier, tout est cependant loin d’être attaché.

Qui plus est, la concrétisation du parc repose sur un appel d’offres qu’Hydro-Québec n’a pas encore lancé et que devra remporter la petite Coopérative régionale d’électricité. Disons que c’est loin d’être gagné d’avance. On se souviendra que celle qui se targue d’être la toute dernière coopérative du genre au Québec avait bien failli être emportée par la crise du verglas de 1998 et une facture de 8,4 M$ qui a finalement dû être épongée par Québec et Ottawa. Presque 25 ans plus tard, ce traumatisme semble loin derrière. Elle rêve grand, mais sans doute un peu en couleurs si elle pense pouvoir se lancer avec succès à la fois dans la biométhanisation et dans l’éolien.

Que dit le proverbe déjà?

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