20 juillet 2023 - 07:00
Des infirmières menacées de ne plus pouvoir faire de temps supplémentaire
Par: Zineb Guennoun | Journaliste de l'Initiative de journalisme local
Des infirmières du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est n’ont pas apprécié de se faire servir un avertissement en lien avec leur gestion personnelle des quarts de travail effectué en temps supplémentaire. Photo ezFotos

Des infirmières du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est n’ont pas apprécié de se faire servir un avertissement en lien avec leur gestion personnelle des quarts de travail effectué en temps supplémentaire. Photo ezFotos

Des infirmières du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME) sont en colère depuis qu’elles se sont fait menacer de ne plus pouvoir faire de temps supplémentaire pour une période de trois mois parce qu’il leur arrive, à l’occasion, de refuser des quarts de travail qu’elles avaient accepté de combler quelques semaines auparavant.

Cette menace émanant du service des ressources humaines du CISSSME a soulevé l’ire d’une poignée d’infirmières qui se donnent pourtant corps et âme à leur métier.

Deux infirmières qui se sont confiées au COURRIER sous le couvert de l’anonymat par crainte de représailles estiment qu’elles auraient mérité de recevoir des fleurs et non le pot de leur employeur.

Elles mentionnent que, depuis des années, elles multiplient les quarts de travail en temps supplémentaire (TS), acceptant ainsi de prolonger leurs semaines de travail pour éviter des bris de service et, inévitablement, un recours accru au temps supplémentaire obligatoire (TSO).

Il faut bien ainsi faire la distinction entre le TS et le TSO. Le premier concerne les trous prévisibles dans l’horaire de travail qui est offert aux infirmières sur une base volontaire en surplus de leur horaire régulier. Le TSO, pour sa part, se produit quand une infirmière qui termine son quart de travail n’a d’autre choix que de demeurer en poste quelques heures de plus, faute de relève, afin d’éviter un bris de service.

Or, il arrive que des infirmières qui se sont portées volontaires pour faire du temps supplémentaire soient contraintes à quelques jours ou heures d’avis de se désister pour diverses raisons personnelles. Cette situation oblige alors les ressources humaines de l’établissement à trouver une solution à la dernière minute, sinon à imposer du TSO.

C’est pour éviter ce genre de situation que la Direction adjointe des soins infirmiers – volet pratique professionnelle du CISSSME, à la demande des gestionnaires de la liste de rappel, a prévenu les infirmières qu’elles s’exposaient à une sanction administrative de trois mois sans pouvoir faire du temps supplémentaire en cas de nouvelles annulations.

Une infirmière qui a reçu cet avertissement déplore le manque de considération à son égard ainsi que le manque de sensibilité d’un employeur pour qui aucune raison ne semble acceptable pour annuler du temps supplémentaire, même si, dans son cas, ses annulations ne se sont jamais transformées en TSO.

« Bien qu’on nous propose du TS à l’avance et qu’on fasse nos choix, avec les aléas de la vie, je ne peux pas toujours prévoir ce qui peut m’arriver une fois le moment venu. C’est fâchant, car je fais plus que ma part. En une année, j’ai fait presque la moitié d’une année de TS à part mon temps complet. Mais oui, il m’est arrivé d’en annuler quelques-uns sur le lot, mais je m’assurais toujours que ça ne finisse pas en TSO par respect pour mes collègues. Et là, au lieu de reconnaître mon dévouement, on m’envoie un avertissement et on me menace de me punir. Je trouve ça assez ordinaire », a-t-elle dit.

Celle-ci ajoute que la liste d’infirmières en détresse est assez longue, mais que la loi du silence dans le milieu a réussi à les museler.

« On donne sans arrêt, on dépanne parfois nos collègues qui ont des obligations et, si ça m’arrive d’annuler quelques quarts de temps supplémentaire, c’est que je suis soit exténuée ou malade. Ma souffrance, c’est la non-reconnaissance du nombre d’heures colossal que j’ai fait, mais la direction continue de me dire que j’ai quand même annulé quelques heures ici et là. C’est blessant. »

Le syndicat local des infirmières du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est est bien au fait du mécontentement qu’a généré cet avertissement au sein de ses troupes.

Sa présidente, Brigitte Pétrie, utilise même le terme « violence organisationnelle » pour qualifier l’approche de l’employeur dans ce dossier.

« Ce sont des menaces de toutes sortes, c’est de la gestion par mesure coercitive. Ça devient irritant et c’est une des raisons pour lesquelles les gens finissent par s’en aller. Au lieu de les comprendre et d’admettre les enjeux auxquels le secteur de la santé fait face, ils optent pour le contrôle des gens. »

Mme Pétrie suggère aux employeurs de penser à des mesures urgentes pour résoudre la pénurie du personnel qui demeure la principale cause de l’utilisation systématique du TS et du TSO par l’employeur. « Les deux sont imposés en fin de compte, tu restes en TS de façon volontaire, mais tu ne peux pas l’annuler même si tu as une excuse de taille et le TSO, c’est imposé aussi même si tu es fatigué ou que tu as des obligations familiales ou que tu ne veux pas tout simplement. »

La présidente du syndicat certifie que sans le TS, le système de santé ne fonctionnerait pas. « Si on n’utilise pas le TS, il n’y aura jamais assez de personnel pour faire marcher l’hôpital et donc il fermera ses portes. Ce sont des gens volontaires certes qui le font. Les mesures sont sans doute attractives et c’est une possibilité d’augmenter son revenu, mais si demain matin, tout le monde retire sa disponibilité pour faire du TS, ça va être du TSO pour tout le monde. L’employeur n’a pas le droit de menacer ces gens et il n’a pas le luxe de mettre cette menace à exécution », conclut Mme Pétrie.

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