Considéré comme « extrêmement dangereux » par les autorités américaines et affilié au Groupe islamique armé, une organisation terroriste, M. Meddah a immigré au Canada en 1998 sans que le gouvernement intervienne, a révélé La Presse le 24 janvier. Encore aujourd’hui, il séjournerait dans la région de Saint- Hyacinthe sans statut.
« C’est préoccupant. C’est un échec complet du système canadien. Comment ça se fait qu’il soit encore au Canada? On est encore à récolter des informations à ce sujet. D’abord, je veux comprendre comment cela est possible. Il y a sûrement quelque chose qui nous échappe. À lire La Presse, c’est quasiment trop gros comme histoire », s’inquiète le député de Saint-Hyacinthe–Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay.
En résumé, l’article du bureau d’enquête de La Presse raconte que M. Meddah a immigré aux États-Unis en 1995 avec un faux passeport et s’est vu refuser le statut de réfugié. Il a, par la suite, été arrêté et transféré dans un hôpital psychiatrique où il a réussi à s’enfuir. Il a traversé la frontière canadienne quelques jours plus tard, en 1998.
Les autorités américaines avaient alors communiqué à Immigration Canada des informations sur le passé criminel et le caractère dangereux de M. Meddah sans que le gouvernement canadien intervienne. Entre autres, le Federal Bureau of Investigation (FBI) soupçonnait M. Meddah d’être affilié à un groupe terroriste.
M. Savard-Tremblay a interpellé le ministre de l’Immigration du Canada, Marc Miller, à ce sujet. Le député s’était d’ailleurs démené en 2023 pour permettre à une famille mexicaine active dans la région de Saint-Hyacinthe de rester au pays alors qu’elle était menacée d’expulsion. Les parents n’affichaient aucune tache à leur dossier et étaient appréciés de leur employeur. « C’est incompréhensible », dit-il.
Le maire de Saint-Barnabé-Sud, Alain Jobin, a préféré ne pas commenter la nouvelle. De son côté, la directrice générale de la Municipalité, Linda Normandeau, a mentionné, sur les réseaux sociaux, être consciente des émotions engendrées par ces révélations médiatiques. « Nous sommes en communication constante avec les services de police et avons l’entière collaboration des dirigeants du poste de la Sûreté du Québec, qui eux aussi sont conscients de la situation actuelle. […] Nous tenons à vous assurer que la Municipalité est en action face à cette situation et que nos procureurs travaillent activement sur ce dossier. »
Contacté par Le Courrier de Saint- Hyacinthe, Yahia Meddah a nié les informations révélées par La Presse. « Si je suis si dangereux, pourquoi il n’y a jamais eu d’accusation criminelle? J’ai été assez surpris de lire le texte. J’ai fait des démarches auprès du journaliste pour avoir les preuves de ce qu’il dit. Il parle de choses qui se sont passées il y a 30 ans. Pourquoi on ne parle pas des choses importantes? Il y a eu du vandalisme chez nous et on s’est fait lancer des roches. On est victimes de racisme », soutient-il.
Demeurer en sol canadien
Selon La Presse, M. Meddah a demandé le statut de réfugié en 1998, mais la demande a été refusée. Dans ce contexte, le gouvernement ordonne habituellement le renvoi de l’immigrant, explique la professeure à la faculté de droit de l’Université de Montréal France Houle, qui a accepté de démêler les procédures d’immigration au Canada à la demande du Courrier de Saint-Hyacinthe. Pour éviter d’être déporté, l’immigrant peut toutefois demander au ministre de l’Immigration du Canada d’examiner les risques de renvoi. Le ministre a donc un pouvoir discrétionnaire et peut accepter de donner une autorisation afin de rester en sol canadien. Dans ce cas-ci, on ne sait pas si la demande a été faite ni si elle a été acceptée.
Cette autorisation est conditionnelle à ce que l’immigrant demeure au Canada et à ce que l’immigrant ne soit pas déclaré coupable d’un acte criminel. Une condamnation pour un acte criminel est d’ailleurs la raison la plus commune pour expulser une personne sans statut du pays, soutient Mme Houle.
C’est là où le dossier devient nébuleux. M. Meddah a été reconnu coupable de voie de fait deux fois plutôt qu’une. Une première fois à Drummondville en 2015 alors qu’il a reçu une condamnation avec sursis et une probation de 12 mois. Il a par la suite été reconnu coupable de voie de fait en 2021 à Saint-Hyacinthe. Il faisait face à une probation de 18 mois avec 40 heures de travaux communautaires. Il a d’ailleurs tenté de faire infirmer la décision en cour d’appel en plaidant que le jugement pouvait entraîner des « conséquences en matière d’immigration », mais il n’a pas convaincu le juge. Ce dernier a maintenu la décision de première instance.
Habituellement, une personne souhaitant résider au pays en tant que réfugié, mais qui s’est vu refuser le statut, n’est pas admissible à un statut de résident permanent. M. Meddah a toutefois profité du moratoire humanitaire sur l’expulsion des Algériens pour en faire la demande à plusieurs reprises. Chaque demande a été refusée, rapporte La Presse.
« Une personne ayant un statut doit se conformer à une série de règles. Si elle ne s’y conforme pas parfaitement, elle peut être expulsée du pays. Mais pour une personne qui entre illégalement au pays, la porte d’entrée est principalement par le statut de réfugié. C’est une procédure qui est longue. Souvent, ces personnes s’établissent et s’intègrent à la société. Elles peuvent travailler et utiliser les procédures judiciaires. La raison la plus courante pour les expulser, c’est si la personne a commis un acte criminel », explique Mme Houle.
Questionné sur son statut, M. Meddah n’a pas répondu. Il a toutefois précisé que ses enfants étaient Québécois, mais qu’ils étaient tout de même victimes de racisme.
Le 17 janvier dernier, l’audience visant à faire la lumière sur une plainte d’outrage au tribunal s’est tenue au palais de justice de Saint-Hyacinthe. M. Meddah s’est défendu d’avoir remis les affiches diffamatoires sur sa maison en rejetant la responsabilité du geste sur son propre fils. Une injonction de la Cour supérieure lui interdit de tenir des accusations diffamatoires en lien avec le régime nazi ou toute association avec un régime dictatorial, ce qui inclut le recours à un affichage haineux et la publication d’un site Internet. Au moment de mettre sous presse, le jugement n’avait pas encore été rendu.