Sans prendre de détour, le président d’Hebdos Québec, Benoit Chartier, également propriétaire de DBC Communications, qui édite Le Courrier de Saint-Hyacinthe et quatre autres journaux dans la région, a reconnu que « les temps sont durs depuis trois ans » dans la presse régionale. Les difficultés rencontrées par les médias traditionnels sont en effet exposées au grand jour, surtout depuis que le Groupe Capitales Médias a dû reconnaître récemment qu’il se dirigeait vers la faillite.
Les représentants d’Hebdos Québec, organisme représentant 120 journaux hebdomadaires, ont donc davantage axé leur intervention sur les mesures concrètes que pourraient appliquer les élus pour permettre aux médias de poursuivre leur travail. Avec une présence aux quatre coins du Québec, notamment dans des régions que les médias nationaux ne peuvent couvrir que très partiellement, les hebdomadaires « touchent tous les Québécois et jouent un rôle fondamental pour la démocratie », a soutenu M. Chartier. « On fait rayonner nos régions et développer l’esprit d’appartenance », a aussi souligné Josée Pilotte, éditrice et propriétaire des journaux Accès et Le Nord, dans les Laurentides.
De son côté, Renel Bouchard, président d’Icimédias, qui édite notamment Le Canada Français, à Saint-Jean-sur-Richelieu, a clairement exposé la situation à la commission : « il faut que le gouvernement aille chercher de l’argent chez ceux qui profitent de l’information [les géants du numérique comme Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft (GAFAM)] pour le faire revenir afin de soutenir les salles de rédaction ».
M. Bouchard a ainsi plaidé en premier lieu pour l’instauration d’un crédit d’impôt de 25 % sur la masse salariale des « équipes nécessaires à la production » de l’information. « La presse écrite ne traverse pas seulement une crise, on traverse un changement social. On est rendu à une époque où il va falloir une forme d’aide permanente pour soutenir le journalisme professionnel », a-t-il averti.
D’autres grands absents
Alors que l’absence des géants du numérique à cette commission avait été dénoncée la veille par d’autres intervenants, M. Chartier a identifié de nouveaux responsables à la crise qui secoue les médias, et qui sont également absents des travaux, à savoir les grandes agences de publicité. D’après lui, ces dernières « se sont carrément jetées dans les bras des GAFAM et ont laissé tomber les médias traditionnels du Québec », ce qui s’est avéré « dévastateur », a-t-il déploré.
Sans compter que leur efficacité n’est pas nécessairement avérée. « Elles accélèrent le mouvement social [vers le numérique] en fonction de leurs intérêts, pas en fonction des besoins et des intérêts des communautés et des clients qu’elles desservent », a observé Renel Bouchard. « Le meilleur expert en marketing qu’un petit commerçant va rencontrer, c’est souvent un conseiller publicitaire de nos journaux », a-t-il renchéri, assurant ne pas vouloir aller « à l’encontre » de la publicité numérique, mais plutôt arriver à la « régionaliser ».
Les requêtes
L’abolition de la taxe sur le recyclage du papier, « un poids supplémentaire sur les journaux » qui n’a plus sa raison d’être, a aussi été demandée par M. Bouchard. Autre mesure plus imaginative : offrir un crédit d’impôt aux commerçants locaux qui achètent de la publicité dans les hebdos. Cet incitatif pourrait stimuler toute l’économie locale, pas uniquement les journaux, alors que les commerces de proximité sont également frappés par la concurrence des géants du numérique, Amazon en particulier, a détaillé le président d’Icimédias.
Par souci de cohérence, le gouvernement devrait lui aussi placer de la publicité dans les médias locaux et inverser la tendance actuelle qui profite aux géants du web, ajoute Hebdos Québec. Enfin, l’organisme demande aussi une contribution de 4 M$ à sa fondation pour aider les hebdos à investir dans la transition numérique et de ne pas bousculer le modèle du Publisac, qui permet de limiter les coûts de distribution des journaux.