15 juillet 2021 - 07:00
Les Sœurs de Saint-Joseph au pensionnat de Marieval
Déterrer le passé
Par: Martin Bourassa

J’étais en vacances quand le scandale des pensionnats autochtones nous a rattrapés par la bande et s’est invité dans l’actualité maskoutaine à la fin juin. Alors, permettez que je revienne sur la façon dont les Sœurs de Saint-Joseph ont géré la crise provoquée par la découverte des 751 tombes anonymes retrouvées sur le site de l’ancien pensionnat autochtone (école résidentielle) de Marieval en Saskatchewan, où certaines d’entre elles ont été actives de 1901 à 1979.

Je ne suis pas un expert en affaires autochtones, mais je suis assez renseigné pour savoir que ces pensionnats étaient voués au génocide des Premières Nations. Il est facile de s’en convaincre maintenant, bien davantage qu’en 1870. C’est abondamment documenté dans les travaux de la Commission de vérité et réconciliation (CVR). Celle-ci a passé six ans, de 2009 à 2015, à entendre plus de 6500 témoignages sur l’histoire et surtout les séquelles reliées à ces pensionnats.

Cette commission, qui n’a pas eu trop d’échos au Québec, a conclu au génocide contre les peuples autochtones. Ainsi, entre 1870 et 1997, plus de 150 000 enfants des Premières Nations (ou métis ou inuit) ont fréquenté de force ces quelque 140 pensionnats reconnus, dont une dizaine au Québec. Ils étaient gérés par l’Église et financés par le gouvernement. On estime d’ailleurs à plus de 4100 le nombre d’enfants qui y sont morts, la plupart de malnutrition ou de maladies, faut-il préciser. Des abus physiques et psychologiques y ont été commis, c’est indéniable.

Mais le scandale des pensionnats autochtones est devenu beaucoup plus concret au fur et à mesure qu’on a commencé à creuser tout autour. Pour moi aussi. Comme beaucoup d’observateurs, j’avais jusque-là suivi avec un mélange de curiosité et d’intérêt à l’égard des fouilles entreprises au printemps. À la fin mai, les restes de plus de 200 enfants autochtones ont d’abord été découverts près d’un pensionnat à Kamloops, en Colombie- Britannique. Plus de 180 autres tombes se sont ajoutées un mois plus tard près de l’ancien pensionnat de Cranbrook.

Le pire était encore à venir à Marieval. Et cette semaine encore, en Colombie- Britannique, plus de 160 tombes anonymes ont été retrouvées près de l’ancien pensionnat autochtone de Kuper Island.

Pour l’instant, c’est la découverte des 751 tombes de Marieval qui a eu le plus d’impact à Saint-Hyacinthe en raison de l’implication des Sœurs de Saint-Joseph dans cet établissement jadis géré par les Oblats. Car rapidement, les médias ont souligné la présence de nos religieuses et elles ont dû se mettre en gestion de crise. Si mes connaissances des affaires autochtones sont limitées, j’ai une expertise certaine en gestion de crise. Assez pour en reconnaître une quand elle se pointe. Et les Sœurs de Saint-Joseph en ont eu toute une à gérer, ce qu’elles ont fait de main de maître. Elles l’ont en plus gérée à l’interne, sans s’en remettre à une firme de relations publiques. Chapeau!

Elles doivent une fière chandelle à Sr Pauline Vertefeuille, une religieuse aimable, allumée et surtout rompue depuis longtemps au fonctionnement des médias et au travail des journalistes. Celle qui a été communicatrice au diocèse de Saint-Hyacinthe de 1997 à 2013 ne les voit pas comme des représentants de Satan. Elle sait depuis longtemps que la meilleure défense est la transparence et la franchise. C’est donc elle qui a joué le rôle de pompier en chef en répondant à tous les journalistes. Elle a parlé sans faux-fuyant. Elle a mentionné que ses consœurs étaient attristées et ébranlées face aux découvertes qui se multiplient. Concernées, oui. Coupables, certainement pas.

Elles y étaient allées de bonne foi pour instruire. Pas pour assimiler, même si sans le savoir et sans le vouloir, elles ont participé au mouvement de colonialisme et contribué à la perte d’identité des Premières Nations. Elles ne le nient pas et disent justement n’avoir rien à cacher. Et vous savez quoi? J’ai tendance à les croire. Et à penser qu’elles ont très certainement fait plus de bien que de mal à travers l’histoire.

Les archives des Sœurs de Saint-Joseph sur leur passage en Saskatchewan étaient déjà publiques et facilement accessibles. Complètes? Elles seules le savent. Mais c’est quand même sur le site web de la Société historique de Saint-Boniface que j’ai trouvé la photo d’époque du couvent de Marieval qui a servi à illustrer notre manchette du 1er juillet.

Une photo où tout le monde sourit.

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